• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de lucho

sur Cuba : Une intelligence tranquille malgré l'embargo


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

lucho 9 juin 2009 13:56

A lire l’article de C.E. Chitour et les différents commentaires, il me semble qu’il existe surtout une incompréhension entre l’image de Cuba vue d’Algérie par l’auteur et celle vue de France par certains commentateurs.
Chitour cite tout d’abord les données du Programme des Nations Unies pour le Développement (1) qui indique un Indice de Développement Humain (IDH) de 0.838, ce qui fait passer Cuba dans les pays à Développement Humain élevé.
Il a , je crois, tout à fait raison de relever cette donnée qui mérite d’être encore plus mise en lumière. En effet il est difficile de simplement relever le niveau de développement de la population d’un pays sans le rapporter au niveau de richesse nationale dudit pays : comment comparer, par exemple, l’IDH de la Norvège et celui de la Sierra Léone, vue la différence de richesse entre les 2 pays ? La question pertinente est plutôt la suivante : le niveau de développement de la population correspond-il à son niveau de richesse, autrement dit le peuple d’un pays « en a-t-il pour son argent » ? Le PNUD essaye de répondre à cette question en faisant un calcul trés simple : il fait la différence entre le rang mondial du pays en terme de richesse (PIB) et le rang mondial en termes de Développement Humain (IDH) ; un pays X qui serait 20ème richesse mondiale et 20ème au classement IDH aurait une note de 20-20=0, signifiant que le développement de la population est corrélée au niveau de richesse du pays ; un pays Y, 40ème richesse mondiale et 30ème IDH, aurait une note de 40-30= +10, signifiant que la population est plus développée que ne le voudrait sa richesse nationale et on pourrait peut-être en conclure que l’argent public est mieux utilisé dans le pays Y où la population « en a plus pour son argent » que dans le pays X, pourtant plus développé dans l’absolu. Les scores négatifs indiquent au contraire que la population est moins développée que ne le voudrait la richesse nationale.
CE Chitour voit Cuba avec les yeux d’un Algérien, Cuba et l’Algérie étant 2 pays ayant accédé à « l’autonomie » à peu près à la même époque ( révolution pour l’un, indépendance pour l’autre). J’observe qu’aujourd’hui Cuba présente un IDH de 0.838 et surtout une note PIB-IDH de + 43, alors que l’Algérie a un IDH de 0.733 et une note PIB-IDH de - 22, semblant indiquer que la population algérienne ne profite pas à un juste niveau de la richesse du pays !!! (Je rappelle que la France a une note de +8, indiquant une population bien développée au regard de son niveau de richesse, et que les USA ont une note de - 10, montrant que les Etatsuniens ne profitent pas vraiment de l’extraordinaire richesse de leur économie !!!)
Les Libertés Fondamentales, la Démocratie ne peuvent revêtir la même importance ni représenter les mêmes priorités dans un pays comme la France et en Algérie car, comme le dit l’auteur « à quoi sert la liberté mise en exergue si on ne peut pas nourrir le peuple, lui donner du travail, l’instruire, le soigner. » Il est donc normal que, concernant Cuba, là où les Français voient d’abord le manque de libertés, l’absence de Démocratie, les Algériens voient surtout les progrès obtenus dans les domaines de la Santé et de l’Education. 
Malgré tout Cuba ne peut pas représenter un modèle politique : il s’agit d’un pays sans réelles élections libres où les dirigeants, au pouvoir depuis 50 ans, concentrent tous les pouvoirs entre leurs mains, avec un régime de parti unique, une presse quasi-inexistante et toute à la botte du régime ( il faut avoir lu une fois Granma dans sa vie ou avoir vu une émissionde La Mesa Redonda à la télé pour comprendre ce que le terme inféodation veut dire), un « flicage » de la population et un système de délation généralisée comme celui organisé dans chaque quartier par les CDR (Comités de Défense de La Révolution), des brimades organisées et une intimidation permanente des personnes sortant simplement un peu de la « norme révolutionnaire ». Un tel régime est bien, sans conteste, une dictature et le « despote éclairé » voltairien, pour éclairé qu’il soit, n’en reste pas moins un despote.
Certe c’est vrai que la Révolution a permis à Cuba des avancées nettes dans les secteurs de la Sabté et de l’Education mais d’une part « on ne peut passer sa vie comme étudiant ou comme malade », ainsi que me le disait une voisine à La Havane, d’autre part rappelons que le taux de mortalité infantile, brandi chaque année comme un étendard du succés de la Révolution, était en 1959 , avant la Révolution, plus bas à Cuba qu’en France, et surtout notons que ces avancées ne sont plus ce qu’elles étaient à l’époque de l’URSS car ces systèmes étaient financés par la « perfusion soviétique » et ne reposaient pas sur une réelle prospérité de l’économie Cubaine.
Economie qui souffre surtout de son improductivité catastrophique et du carcan de l’appareil étatique, beaucoup plus que de l’embargo etatsunien éternellement invoqué comme excuse ( les USA sont le 4ème ou 5ème partenaire commercial de Cuba et son premier fournisseur de produits agro-alimentaires -700 millions de dollars en 2008- l’embargo affectant en fait surtout l’économie cubaine en lui interdisant l’accés au crédit).

On pale toujours de la gratuité des systèmes de Santé et d’Education mais en réalité cette gratuité n’est qu’apparente car elle est financée par les salaires de misère payés aux professeurs et aux professionnels de Santé , obligeant tous ces gens au recours à la « débrouille » - la lucha , comme on dit là-bas- (petits trafics quotidiens, activités annexes, marché noir florissant...) Le tourisme et l’introduction de l’équivalent dollar (CUC ou Peso Cubain convertible) a scindé la population en 2 : ceux qui ont un revenu en monnaie nationale et ceux qui ont accés aux devises fortes, menaçant la cohésion nationale. L’économie Cubaine se relève progressivement aujourd’hui, beaucoup grâce à la « perfusion » Vénézuelienne (en partie payée par la vente de services médicaux -2.3 milliards de dollars en 2008- au détriment de la couverture sanitaire dans l’île même où les médecins en « location » font cruellement défaut, et par la vente de services policiers, ce qu’on sait moins...). Mais un pays ne pouvant vivre que sous perfusion a-t-il réellement une économie viable ?
En fait l’opinion publique Cubaine commence à bouger et les certains vieux membres du Parti , non des opposants, conscients de l« enlisement » actuel, commencent à faire des des propositions encore inimaginables du temps de Fidel (2).
Connaissant bien l’Amérique Centrale, je pense que si on doit être pauvre dans cette région du monde, probablement vaut-il mieux l’être à Cuba. Malgré tout unpays où les jeunes rêvent de devenir barman dans un hotel pour touristes plutôt que médecin ou ingénieur ne peut pas être considéré comme un modèle.
Si la plupart des Cubains souhaitent des changements profonds , ils ne sont pas prêts à accepter l’ingérence du grand voisin du Nord. Espérons que l’Histoire leur laisse le choix ; c’est ce qu’on peut souhaiter à l’adorable peuple Cubain.

1- Indicateur de Développement Humain- rapport PNUD 2007-2008
2- Pedro Campos « propuestas programaticas » ; Kaosenlared 17 aout 2008


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès