Pierre Bénichou a remis ça le mardi 26 mai 2009, en étant toutefois moins grossier qu’en 2006, mais pas moins stupide. Certains aiment transmettre leur savoir, Bénichou tient à transmettre ses préjugés. Et il s’y accroche. Il est possible d’écouter le passage concerné sur http://skirlet.free.fr/ruquier_2009.mp3
Colporteurs de préjugés et de commérages, comme lui, ceux qui sont venus à sa rescousse, en particulier des anglo-endoctrinés, anglo-conditionnés, anglo-dépendants, anglo-addictionnés, en premier lieu l’halloweenesque Asp Explorer, en sont donc pour leurs frais.
Certes, Bénichou a su dire que le nom de Ludwik Lejzer Zamenhof, pas très bien prononcé par Laurent Ruquier (1), était celui de l’homme cherché pour l’espéranto. Mais, visiblement, ses connaissances ne vont guère plus loin que depuis le 26 juin 2006. Il a encore éprouvé le besoin de faire étalage de son ignorance en la matière. C’est comme la confiture ou le beurre : moins on en a, plus on l’étale.
Entre autres âneries, Bénichou a dit en effet, en bafouillant, mais avec aplomb (décidément, l’espéranto l’excite !) : “L’espéranto, c’est un truc, faut expliquer à nos amis ce que c’est (2). L’espéranto, c’est une langue inventée qui prend un peu de chaque langue de tous les pays européens et du monde (3)... Le drame c’est que c’était fait pour simplifier la vie des citoyens européens, mais qu’en fait ça ne fait que la compliquer puisqu’il faut parler un peu d’allemand, un peu d’anglais, un peu d’italien, un peu de français, c’est pour ça, c’est une langue totalement inventée (4). Ça a fait long feu, complètement (5). Personne n’a jamais parlé (6)“ ... (interrompu par Laurent Ruquier).
C’est vraiment n’importe quoi !
1. Laurent Ruquier a dit, en outre, que Zamenhof était Allemand, ce qui est faux. Par contre, il y a quelques incertitudes sur l’origine de son nom. Diverses transcriptions apparaissent successivement sur son registre de naissance : Zamenov, Samenhof, puis Zamenhof. Pour Petro Stojan, en russe, le mot zamena signifie « échange » et ov est la terminaison des noms de famille. Mais la présence du h, inexistant en russe, semble contredire cette thèse. Zamenhof a lui-même expliqué à une publication berlinoise d’espéranto qu’il utilisait la forme « Z », bien que son nom était d’origine allemande (“Originala Verkaro“, p. 427). En allemand, Samen = semence (le s se prononce « z ») ; Hof = une cour, un bien. Zamenhof, en fait, est né, a vécu et est mort dans un pays disparu de la carte — la Pologne — partagé par les puissances voisines : Russie, Prusse devenue Allemagne, Autriche. Sa ville natale, Bialystok, était occupée par la Russie. Varsovie, où il vécut la plus grande partie de sa vie, était gouvernée par les Allemands.
2. Quelle bonne idée d’expliquer une chose à propos de laquelle on est soi-même ignorant et surtout à propos de laquelle on ne veut surtout rien connaître ! En trois ans, Bénichou avait le temps de s’informer. Ancien journaliste, Bénichou oublie simplement que cette profession consiste à s’informer avant d’informer. Suffit-il de savoir quelle est la relation entre les noms « Zamenhof » et « espéranto » pour émettre un avis compétent ?
3. Ce qu’ignore et veut faire ignorer Pierre Bénichou, c’est que l’essentiel des racines de l’espéranto provient à environ 75% du latin et langues dérivées, à environ 20% de langues germaniques (allemand et surtout anglais), 5% de langues slaves et autres, en particulier du grec ancien pour les radicaux scientifiques. Comme les langues se sont interpénétrées, nombreux sont les éléments reconnaissables sans en apprendre d’autres que la sienne. Comme le russe a connu une forte influence du latin et du français, il en résulte que 40% des mots de l’espéranto sont compréhensibles sans étude préalable pour un Russe (c’est ce qui explique la réponse de Suzanne à Laurent Ruquier, par téléphone, dans l’émission). Il s’agit de racines internationales reconnaissables d’emblée et qui ne nécessitent aucunement la connaissance de plusieurs langues. La stupidité de Bénichou est monumentale, au moins autant que sa mauvaise foi et son penchant à souiller ce à quoi il ne comprend rien. L’internationalité des racines est fort bien expliquée dans l’ouvrage d’un ancien fonctionnaire international, un grand polyglotte, Georges Kersaudy, dans son ouvrage “Langues sans frontières“. Il y compare, avec de nombreux tableaux, 39 langues de l’Europe sur la cinquantaine (dont l’espéranto) qu’il connaît. Ce qui correspond à peu près à la définition farfelue donnée par Bénichou, c’est l’ « Europanto », une proposition de mixture linguistique inventée par Diego Marani, un fonctionnaire européen, pour amuser la galerie (voir Wikipedia). Des linguistes, et pas des moindres, ont reconnu que l’espéranto était viable. Le problème ne vient pas de ses aspects linguistiques mais, d’oppositions politiques qui trouvent leur source dans la bêtise épaisse et éternelle dont Bénichou nous fournit un exemple.
4. L’espéranto n’est pas une langue “totalement inventée« . Toutes les langues sont inventées. La différence essentielle s’établit sur la durée de l’invention. L’espéranto a bénéficié d’un savoir faire linguistique multiséculaire. Si Bénichou ne parlait pas une langue inventée, ça signifierait qu’il est resté à l’état de singe, ce qui n’aurait rien de dramatique. Dans “Les langues dans l’Europe nouvelle“, dès 1918 (déjà !), Antoine Meillet avait écrit : “La possibilité d’instituer une langue artificielle aisée à apprendre et le fait que cette langue est utilisable sont démontrés dans la pratique. Toute discussion théorique est vaine. L’espéranto a fonctionné, il lui manque seulement d’être entré dans l’usage pratique. (...) Une langue est une institution sociale traditionnelle. La volonté de l’homme intervient sans cesse dans le langage. Le choix d’un parler commun tel que le français, l’anglais, ou l’allemand procède d’actes volontaires. Une langue comme “la langue du pays” norvégienne a été faite, sur la base de parlers norvégiens, par un choix arbitraire d’éléments, et ne représente aucun parler local défini. (…) Il n’est donc ni absurde ni excessif d’essayer de dégager des langues européennes l’élément commun qu’elles comprennent pour en faire une langue internationale.“ (p. 278)
Plus tôt que lui, Michel Bréal, créateur de la sémantique (la science des significations), avait écrit dans »La revue de Paris" (n° 14, 1901) : “Ce sont les idiomes existants qui, en se mêlant, fournissent l’étoffe de la langue nouvelle. Il ne faut pas faire les dédaigneux ; si nos yeux, par un subit accroissement de force, pouvaient en un instant voir de quoi est faite la langue de Racine et de Pascal, ils apercevraient un amalgame tout pareil […] Il ne s’agit pas, on le comprend bien, de déposséder personne, mais d’avoir une langue auxiliaire commune, c’est-à-dire à côté et en sus du parler indigène et national, un commun truchement volontairement et unanimement accepté par toutes les nations civilisées du globe.”
Le linguiste Edward Sapir avait pour sa part écrit : “La nécessité logique d’une langue internationale dans les temps modernes présente un étrange contraste avec l’indifférence et même l’opposition avec laquelle la majorité des hommes regarde son éventualité. Les tentatives effectuées jusqu’à maintenant pour résoudre le problème, parmi lesquelles l’espéranto a vraisemblablement atteint le plus haut degré de succès pratique, n’ont touché qu’une petite partie des peuples.
La résistance contre une langue internationale a peu de logique et de psychologie pour soi. L’artificialité supposée d’une langue comme l’espéranto, ou une des langues similaires qui ont été présentées, a été absurdement exagérée, car c’est une sobre vérité qu’il n’y a pratiquement rien de ces langues qui n’ait été pris dans le stock commun de mots et de formes qui ont graduellement évolué en Europe.“ (cité dans l’Encyclopaedia of Social Sciences, 1950)
Pierre Bénichou a effectivement “peu de logique et de psychologie pour soi“ dans son comportement et son argumentation.
5. Si l’espéranto avait réellement fait long feu, il y a lieu de se poser des questions sur les raisons, non point linguistiques, mais politiques et psychologiques, qui ont entravé son essor. Le harcèlement auquel se livrent quelques psychopathes depuis la parution de mon article (4 juillet 2006 !), avec Asp Explorer comme chef de file, en constituent — comme Bénichou — la parfaite illustration. Ils ont un bogue dans le cerveau, en clair, une anomalie mentale. Le comportement obsessionnel de ces anglo-conditionnés pourrait laisser supposer que, pour eux, l’espéranto représente une sacrée menace contre l’anglais dans son usage international (non point en tant que langue nationale, au contraire). S’acharner contre quelque chose que l’on prétend mort, c’est faire preuve d’un sérieux dérangement. C’est à se demander si le fantôme cette langue, qu’ils prétendent morte, ne vient pas hanter leurs nuits et leur chatouiller la plante des pieds. C’est pitoyable ! Il y a lieu de se demander pourquoi l’on trouve tant de pages lorsque l’on tape le mot “esperanto“ pour une recherche sur la Toile et pourquoi apparaissent tant de nouvelles applications de la langue : “L’espéranto au présent“ .
Pierre Bénichou présente l’espéranto comme un échec, mais il est lui-même l’illustration parfaite de l’échec du journalisme selon cette description qu’en avait donné John Swinton, probablement en 1880, aux États-Unis : “Il n’existe pas, à ce jour, en Amérique, de presse libre et indépendante. Vous le savez aussi bien que moi. Pas un seul parmi vous n’ose écrire ses opinions honnêtes et vous savez très bien que si vous le faites, elles ne seront pas publiées. On me paye un salaire pour que je ne publie pas mes opinions et nous savons tous que si nous nous aventurions à le faire, nous nous retrouverions à la rue illico. Le travail du journaliste est la destruction de la vérité, le mensonge patent, la perversion des faits et la manipulation de l’opinion au service des Puissances de l’Argent. Nous sommes les outils obéissants des Puissants et des Riches qui tirent les ficelles dans les coulisses. Nos talents, nos facultés et nos vies appartiennent à ces hommes. Nous sommes des prostituées de l’intellect. Tout cela, vous le savez aussi bien que moi !“. (en anglais ; source : Labor’s Untold Story, par Richard O. Boyer et Herbert M. Morais, publié par United Electrical, Radio & Machine Workers of America, NY, 1955/1979)
28/12 11:26 - Romain Desbois
Ce commentaire bien tardif mais peu importe. Au delà de « l’opinion » de Bénichou sur (...)
20/06 18:30 - Jovitourtiste
10/06 06:21 - Henri Masson
Pierre Bénichou a remis ça le mardi 26 mai 2009, en étant toutefois moins grossier qu’en (...)
21/04 16:39 - Hermes
Sinon Bert, vous pouvez lire IDO unu jarcento poste de Cherpillod, livre très intéressant sur (...)
20/04 20:17 - Hermes
&Voyez les contradictions dans votre réponse : »vous restez bouchez sur vos idées.« puis (...)
20/04 12:37 - Bert
@Hermes, l’hermétique. " Bon pour le reste, vous restez bouchez sur vos idées. Dans mes (...)
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