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Commentaire de ka

sur Marseille crie AC le feu ! Mais trop tard...


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ka (---.---.30.12) 7 novembre 2006 01:17

Voici un texte qui pourra nous éclairer sur la question du port du voile par rapport au droit du travail :

"Le communautarisme dans l’entreprise ou du contrat de travail à l’épreuve du voile islamique jeudi 28 octobre 2004

Par Louis-Philippe Bichon, avocat à la cour

Ecole et signes religieux, Europe et Turquie, l’actualité est riche en épineux débats nationaux et internationaux en attendant celui, tout aussi prometteur, du port du voile par des salariées dans l¹exercice de leur activité professionnelle. Il n’existe pas de texte légal ou de jurisprudence de la Chambre Sociale de la Cour de cassation sur le point précis de savoir si un employeur privé est fondé à interdire le port d¹un signe religieux. Mais le droit prétorien a déjà posé les premiers jalons d’une réponse juridique propre à fixer les règles d’un équilibre entre l’exercice du pouvoir de direction de l’employeur et l’exercice des libertés individuelles des salariés.

Les textes :

Les articles 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen visent la protection de la liberté religieuse.

En droit public, la question du port du voile était, sur le principe, relativement simple à résoudre. Les droits de l’homme étant formalisés par la constitution d’un Etat déclaré laïc, c’est au nom de cette identité inscrite dans les textes qu’il est légitime de restreindre les libertés individuelles de ses agents. A vrai dire, la difficulté résidait plutôt dans la laïcisation de ses usagers.

En revanche, en droit privé, l’entreprise se construit l’identité voulue par son dirigeant. Elle choisira souvent la neutralité, pour ne pas dire l’indifférence, sur le plan des idées et des croyances privilégiant les objectifs économiques. Néanmoins, nombre d’entre elles, comme certaines associations, ont pour raison d’être, par exemple, un engagement religieux.

Cette identité religieuse ou autre, ou, plus simplement, cette neutralité, sont-elles opposables à l¹expression par les salariés de leurs libertés individuelles ?

Outre des textes européens relatifs à la discrimination, l’article L. 120-2 du Code du travail pose en principe que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. L’article L. 122-45 du Code du travail précise que tout licenciement en relation avec les convictions religieuses doit être frappé de nullité. Egalement dans le Code du travail, l’article L. 122-35 interdit l’introduction dans le règlement intérieur de clauses discriminatoires. Les atteintes au principe de non-discrimination sont poursuivies sur la base des articles 225-1 à 225-3 du Code pénal.

Reste aux juges à définir le périmètre.

L¹application par les juges :

La question du port du voile dans l’entreprise paraît relativement nouvelle, mais en apparence seulement. Le droit prétorien a déjà posé comme règle que le simple jugement de valeur de l¹employeur sur les éléments de la vie privée d’un salarié ne doit pas constituer un motif de licenciement. En revanche, ce sont les conséquences de ces éléments sur l’exécution du contrat de travail qui peuvent légitimer de restreindre les manifestations d’une appartenance et d’une pratique religieuse, pouvant conduire jusqu’à la rupture unilatérale du contrat de travail. Le salarié dont il est démontré qu’il trouble, de manière volontaire ou non, la bonne marche de l’entreprise ne respecte pas ses obligations contractuelles.

Dans la mesure où la décision patronale ne vise pas l’intérêt particulier d’une personne, mais ni plus ni moins l’intérêt général de l¹entreprise, la contrainte exercée sur la liberté individuelle devient légitime.

La jurisprudence, de la Cour de cassation ou des cours d’appel, s’est déjà exprimée en ce sens notamment en matière d’absence pour la pratique d’une religion. Même solution concernant l’aspect physique des salariés, sur des sujets aussi variés et colorés que le refus de porter une tenue réglementaire, le travail en survêtement, le port de vêtements moulants ou d’une chevelure teinte d’une couleur inhabituelle, les mensurations d’un mannequin, ou, plus récemment, le port d¹un bermuda.

L’employeur peut ainsi imposer certaines normes concernant l’aspect physique et vestimentaire de son personnel. Encore faut-il que ses exigences soient justifiées par l’intérêt de l’entreprise et proportionnées au but poursuivi. Selon une conception classique et communément admise, il a ainsi été jugé que les contraintes vestimentaires peuvent être justifiées par des raisons d’hygiène et de sécurité.

La Cour de cassation ne s’est pas encore prononcée sur la question précise du droit pour l¹employeur d’interdire le port du voile islamique.

Tout au plus disposons-nous de décisions récentes de première instance ou d¹appel qui confirment l’existence d’un cadre à l’exercice des libertés individuelles, droit fondamental mais pas nécessairement absolu. Le non respect de l’interdiction dans l’entreprise de porter le voile islamique peut ainsi justifier une mesure de licenciement (Cour d¹appel de Saint-Denis de la Réunion, 9 septembre 1997 - Cour d¹appel de Paris, 16 mars 2001 - Conseil de prud’hommes de Lyon, 16 janvier 2004). En l’occurrence, ce n’est donc pas le port du voile qui constitue un motif de licenciement, mais les conséquences pour la bonne marche de l’entreprise mesurée notamment auprès des clients, voire des autres salariés .

Le principe de non discrimination religieuse trouve sa limite dans le principe selon lequel nul ne peut opposer sa pratique religieuse au bon fonctionnement de l’entreprise. La consécration du contraire présenterait le risque de reconnaître la primauté de l’expression d’un communautarisme sur la liberté fondamentale d’entreprendre qui caractérise une société moderne.

A la lumière de ces principes, et à titre de précaution, il est toujours possible de convenir des règles applicables, dès l’embauche dans le contrat de travail, ou, pour le moins, dans le règlement intérieur de l’entreprise (sans omettre, dans un même souci de prudence, de mentionner des éléments de justifications).

En somme, de même que la jurisprudence reconnaît déjà que tout contrat de travail comporte une clause réciproque, écrite ou non, de loyauté, il parait tout à fait judicieux de reconnaître la validité d¹une clause, écrite ou non, sur la tenue vestimentaire et son respect mutuel.

Comme les autres matières du droit, le droit du travail français prend progressivement sa source dans les normes européennes. En préalable à une harmonisation du droit européen, une étude de droit comparé au-delà de nos frontières est riche d¹enseignement. L’étude de son application l’est tout autant. En Turquie, à l’université d’Etat, laïque, le port du voile est interdit, alors des étudiantes pratiquantes portent la perruque..."


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