Ainsi seule la nature aboutit à sa fin : le règne de la nature, c’est celui de la nécessité, le règne de la technique, celui du contingent. Sans qu’on décèle dans son argumentation cette distinction capitale, Aristote a pu dire « la nature est fin ». Aussi l’idéal technicien se ramène à l’imitation de la nature, c’est à dire d’intérioriser, par l’artifice, cette finalité que les sciences naturelles (qualifiées parfois de « pures ») distingueront dans la physis. On crée l’avion en vue de reproduire la finalité de l’aile d’oiseau : l’objet d’art reproduit l’organe. Entre la technique et l’organique se tisse une relation que la bionique actuelle tente de parfaire mais que artistes et artisans entretiennent sans y penser. L’art imite, en trompe l’oeil, la nature et, si l’idéalisme platonicien nous convainc de chercher la nature en dehors de la concrétude du monde, l’art s’inspire de cette nature de l’être qu’est - selon la tradition platonicienne - l’idée. Toute la phraséologie de « l’inspiration » repose sur cet idéalisme : l’artiste ne construit pas, il pêche ; il va chercher, en le tréfond de son âme, auprès des Muses, ou dans la « nature » paysagère ou morte, la source de son art au lieu de manipuler, de la façon la plus artificielle, les outils sémantiques qui sont à sa disposition.