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Commentaire de akzo oziro

sur L'adhésion de la Turquie : oui ou non ?


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akzo oziro (---.---.192.95) 19 février 2006 23:51

Je ne crois pas que Mustapha Kemal ait véritablement fait le choix des valeurs européennes.

Il est responsable du massacre des grecs pontiques de confession chrétienne au nord-est de la Turquie (350.000 mort) commis avant l’échange de population gréco-turc.

Dans les écoles turques on enseigne l’islam sunnite au détriment de l’islam alévi pourtant représenté par 20% de la population ; à supposer d’ailleurs que la laicité soit une valeur européenne la Turquie n’est pas laique au sens français : en plus de l’exemple que je viens de citer n’oublions pas la mention de la religion sur les cartes d’identité, les obstacles mis au fonctionnement de l’école religieuse orthodoxe de Halki, l’appropriation des biens de Patriarcat orthodoxe sur l’île des Princes, l’obligation faite que la Patriarche orthodoxe d’Istanbul soit citoyen turc etc.

Par ailleurs historiquement le pogrom commis contre les Grecs d’Istanbul en 1955 (200 femmes violées, 16 tués, des centaines de blessés) et les expulsions commises contre cette même minorité en 1964 et 1967 ont conduit à l’exode de cette population, passée de 150.000 personnes dans les années 50 à moins de 2.000 aujourd’hui !

Autrement dit la Turquie a chassé presque toutes les populations chrétiennes de son sol alors que ces populations étaient pratiquement aussi nombreuses que les musulmans au dévut de 20ème siècle.

Sans parler de la transformation de centaines d’églises du nord de Chypre occupé par l’armée turque en mosquées... Curieux pour un pays laic.

La laicité à la turque est un contrôle et une utilisation du religieux par un pouvoir étatique fortement influencé par les militaires, garants de cette « laicité ».

L’idéologie de Kemal est une idéologie nationaliste promouvant le rôle de l’état, certes assez similaire à l’idéologie fasciste telle qu’elle a été appliquée en Italie.

Le kémalisme a certes apporté, pour les Turcs une égalité théortique entre hommes et femmes mais contrairement à certains régimes laics autoritaires arabes, il n’a pas apporté de protection pour les minorités non musulmans (rappelons quela Syrie compte encore 10% de chrétiens).

De plus aujourd’hui, le kémalisme, fortement nationaliste et omniprésent, est devenu un obstacle à la modernisation de la Turquie car il empêche toute remise en cause du passé post-ottoman du peuple turc.

Vous ne trouverez pratiquement aucun universitaire turc pour critiquer Mustapha Kemal.

La conséquence de cette difficulté pour les turcs à se détacher de leur père (Kemal Ataturk le père des Turcs modernes), entraîne des tensions : si on observe la scène politique turque aujourd’hui, on trouve :

- soit des partis traditionnels fortement kémalistes ;
- soit le MHP, parti de l’action nationaliste, ultra-kémalistet ultra-violent, avec son mouvement de jeunesses des loups gris (coupable de meurtre à Chypre en 1996 et pourtant dans la coalition gouvernementale avant le gouvernement islamiste) ;
- soit le parti islamiste « modéré », qui tente de lever le cadenas kémaliste de l’armée pour permettre une réintroduction des valeurs morales musulmanes.

La Turquie fait partie en tant que membre de l’organisation des pays de la Conférence islamique dont le secrétaire général, d’ailleurs turc lui-même, a récemment appelé à créer des lois contre l’islamophobie en Europe mais aussi à l’adoption au niveau de l’ONU d’un « code de bonne conduite » pour les media internationaux afin de « ne pas froisser la sensibilité des musulmans. »

On saura si la Turquie a évolué lorsqu’elle n’aura plus besoin du militarisme kémaliste et de l’armée pour éviter de devenir un pays islamiste et qu’elle aura un autre choix que kémalisme/islam.


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