Je doute du caractère scientifique de ces spéculations. Concernant la
loi de Moore, il est par exemple bien connu que seuls les économistes
et les fous peuvent croire qu’on croissance exponentielle peut se maintenir longtemps dans un monde fini.
Je n’ai pas lu les œuvres de Teilhard de Chardin, mais je ne suis pas
étonné qu’il ait énoncé de telles idées ; à l’époque du colonialisme et
du pétrole abondant, il était d’usage de considérer tous les coûts
induits par la modernité comme nuls, et ceux qui pensaient autrement
étaient considérés comme des esprits limités, des « vers de terre ».
En matière d’intelligence artificielle, on n’a pas atteint la moitié
des projections des auteurs de science fiction les moins audacieux :
les systèmes experts sont pour la plupart inexploitables sans
l’intervention d’experts humains ; il n’est même pas d’actualité
d’espérer qu’ils proposent de nouvelles notions. La reconnaissance
vocale peut bien être efficace à 90%, c’est largement insuffisant pour
être exploitable pour une analyse sémantique. Les systèmes de
traduction automatique sont tellement peu fiables qu’on préfèrera encore longtemps employer des interprètes, même pour les communications
les plus confidentielles.
Les espoirs flambants de technologies
prometteuses telles que les réseaux neuronaux ou la logique floue ont
été abandonnés depuis longtemps, et ces technologies ne sont plus
utilisées, comme toutes les autres, que dans des domaines très
spécialisés.
Les systèmes les plus performants, comme les drônes militaires
américains, sont d’immondes usines à gaz patchées à mort, il faut plus
d’intelligence pour les maintenir opérationnels que pour faire leur
travail à leur place.
Tout ce qu’on a, c’est de la puissance de calcul ; c’est déjà très
utile, mais l’intelligence n’est pas tant une question de puissance que
de maîtrise.
Quand bien même on mobiliserait du jour au lendemain toutes les
ressources de la planète à atteindre ce point de singularité, on les
épuiserait avant d’y arriver. Ou plus vraisemblablement, le porteur du
projet conduira 90% de l’humanité à la famine avant que le projet ne
fasse faillite.