RUE89Un enfant israélien reçoit le coeur d’Ahmed, tué par un soldat de Tsahal
Par Sanâa H | En
voyage | 24/08/2009 | 11H22
Ce ne sont ni des publicités, ni même des restes de campagnes électorale, comme
il peut y en avoir en France. Dans le camp de Jénine, les photos de martyrs
s’affichent ostensiblement sur les murs.
La grande majorité des gens vivant ici ont perdu un ou plusieurs membres de
leur famille. Tout le monde a en mémoire le massacre survenu en 2002, tout le
monde se souvient de « l’opération Rempart » : en
représailles après l’attentat-suicide de Netanya, qui avait tué 29 personnes,
l’armée israélienne avait fait une incursion dans le camp de Jénine, connu pour
sa forte résistance à l’occupant. Bilan : 58 morts, la plupart étaient des
civils, et trois quartiers furent détruits.
Je m’arrête devant l’image d’un petit garçon, un petit brun aux yeux
brillants, il doit ne pas avoir plus de 12 ans. Juste en dessous, on peut
lire : « Ahmed Khaldi, mort sous les balles des soldats israélien en
2005. »
« Le corps de mon enfant servira de symbole de paix »
« C’est un shahid martyr », me dit un jeune homme en passant
devant moi. Sans même lui demander, il me propose de rencontrer le père de l’enfant.
Celui-ci m’accueille avec un grand sourire, les mêmes yeux que son fils, le
visage est serein. Je me demande comment on peut arriver à vivre après que la
chair de sa chair ait pu disparaître de la sorte ?
Ahmed est mort en 2005 à l’âge de 11 ans. Comme chaque jour, il sortait
jouer avec ses potes dans les rues du camp. Il y a eu cette incursion
israélienne, Ahmed portait une arme en plastique. Le soldat israélien a visé
juste : trois balles sont venues se loger dans le corps de l’enfant, des
balles fatales.
Dans un hôpital, un enfant israélien attend une greffe du cœur. Un médecin
demande au père d’Ahmed de faire don du cœur de son fils. Il accepte. « Le
corps de mon enfant servira de symbole de paix et montre à quel point nous
voulons la paix », dira le père de l’enfant décédé.
Nous voici avec lui, quatre ans après le terrible drame, ses yeux paraissent
fatigués, mais aucune « haine » qu’on puisse déceler dans son
discours. Il boit son café lentement. Il y a un long silence, son regard se
fixe : « Ce n’est pas un problème de personne ni de religion, c’est
l’occupation qui nous empêche d’avoir une vie normale. »