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Commentaire de Claude Courouve

sur Notes sur la pédophilie et les seuils de consentement


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Senatus populusque (Courouve) Claude Courouve 12 septembre 2009 08:50

Vous avez raison. Le texte publié n’est que le début d’un article beaucoup plus long, c’est pourquoi vous restez sur votre faim.

Je complète dans les commentaires, comme ci-dessous :

À la différence de l’homosexualité, la pédophilie n’avait jamais trouvé le moindre commencement d’adhésion chez les grands auteurs classiques ou modernes, à l’exception notable du marquis de Sade. Elle était explicitement rejetée par Platon (Symposium, 181 d-e), ce qui passe trop souvent inaperçu  : le convive Pausanias reprochait à ceux qui aiment les impubères de surprendre leur jeunesse et de profiter de leur crédulité pour les duper avant de les abandonner ; et il estimait que la loi aurait dû interdire les relations avec les garçons trop jeunes. Si l’interdiction semble conçue plutôt dans l’intérêt de l’amant que dans celui de l’enfant, il reste la notion de duperie dans le cas de l’enfant. Dans les Lois (II, 653 b-c), Platon réaffirmait l’incapacité morale de l’enfant dans les relations amoureuses. Le philosophe Aristoxène de Tarente pensait que l’apprentissage tardif de la sexualité était préférable, qu’il fallait empêcher l’enfant de chercher à avoir des relations sexuelles, et même de savoir ce dont il s’agit, avant l’âge de vingt ans (Stobée, Florilège, IV, xxxvii, 4). 

Ce n’est donc pas seulement le judaïsme qui rejetait la pédophilie – car on lit dans le Nouveau Testament  : «  Quiconque scandalise l’un de ces petits [...] mieux vaudrait pour lui qu’on lui passe une meule autour du cou et qu’on le jette à la mer  » (Matthieu, XVIII, 6 ; Marc, IX, 42 ; Luc, XVII, 2) – mais aussi une partie de la culture gréco-latine. 

  Michel Onfray faisait erreur, dans son Antimanuel de philosophie (Rosny : Bréal, 2001) en affirmant : «  Un pédophile, dans la Grèce de Platon, n’est pas condamné ou condamnable  » (page 134) ou «  À l’ère atomique, Socrate croupirait en prison.  » (page 135). 

  On l’a vu, le christianisme, avec son droit canon fixant l’âge de la puberté, conserva officiellement l’interdit évangelique. Enfin, dans ses deux premières brochures (1864) le magistrat allemand K. H. Ulrichs, grand défenseur des homosexuels et promoteur du concept de « troisième sexe », précisait que le pais grec n’était pas un impubère, ce qui a été confirmé depuis par plusieurs hellénistes chevronés (H. I. Marrou, K. J. Dover, F. Buffière, B. Sergent) : son âge allait de 12-15 ans à 20-21 ans. 

  Montaigne déplorait le non-respect de « l’âge de choix et de connaissance » en amour (Essais, III, v, page 868 & xiii, page 1087 de l’édition P. Villey), ce qui correspondait au « consentement avec discernement » que l’on exige aujourd’hui  ; il ajoutait : « l’amour ne me semble proprement et naturellement en sa saison qu’en l’âge voisin de l’enfance » (III, v, page 895), mais l’âge voisin de l’enfance, ce n’est pas l’enfance (distinction reprise par Tolstoï dans Enfance, adolescence et jeunesse) ; il esquissait la description d’une véritable liberté sexuelle en écrivant «  qu’on aime un corps sans âme ou sans sentiment quand on aime un corps sans son consentement et sans son désir.  » (III, v, page 882). Des mots qu’on n’a hélas plus guère l’habitude d’entendre ... Le marxisme vulgaire et la sociologie aidant, les «  pratiques sexuelles  » ont remplacé l’amour. 

  Montesquieu était choqué qu’une loi anglaise permette à une fille de sept [ou dix ?] ans de se marier : « Cette loi était choquante de deux manières : elle n’avait aucun égard au temps de la maturité que la nature a donné à l’esprit, ni au temps de la maturité qu’elle a donné au corps. » (Esprit des lois, XXVI, 3). Ces deux temps de la maturité sont en effet requis simultanément dans les relations amoureuses et sexuelles. Les critiques que Voltaire adressaient aux non-conformistes ne visaient pas la relation symétrique des « garçons qui s’aiment » (Traité de Métaphysique, chapitre IX), mais toujours une situation d’abus de pouvoir des jésuites et autres religieux (Desfontaines et Marsy, notamment) sur leurs élèves ; abus de pouvoir que la gauche anticléricale dénoncera vigoureusement sous la IIIe République. L’utopiste Charles Fourier imaginait que l’harmonie passionnelle, qui devrait réaliser une pleine « liberté en amour » (l’expression est de Molière dans Dom Juan) rejetterait quiconque « enseignerait aux enfants ce qu’ils doivent ignorer » (Le Nouveau monde amoureux). Encore le respect de l’âge des jouets et de l’étude, avant celui de l’amour. Marc-André Raffalovich, que l’on considère parfois comme un pionnier du militantisme homosexuel, écrivait en 1896 que personne n’avait le droit de « rendre plus courte ou moins complète la précieuse durée de l’enfance impubère [...] il est sot, il est inique à la minorité de se croire tout permis parce que rien ne lui est accordé » (Uranisme et unisexualité, page 12). 


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