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Commentaire de Claude Courouve

sur Coût de l'immigration : un fantasme qui a la vie dure


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Senatus populusque (Courouve) Claude Courouve 26 septembre 2009 09:38
A Cavaillon, une petite cité à la violence endémique
LE MONDE | 15.09.09 |

Murs tagués, espaces publics dégradés, cages d’escalier ravagées, saleté repoussante, ascenseurs régulièrement bloqués - et cette odeur d’urine qui vous prend à la gorge dès que vous pénétrez dans les immeubles. Malgré sa taille réduite, à peine 2 200 habitants, la cité du Docteur-Ayme, à Cavaillon (Vaucluse, 25 000 habitants), ressemble aux quartiers les plus dégradés de la banlieue parisienne. Depuis un an, elle n’a rien à envier, non plus, aux cités les plus sensibles en termes de violence urbaine. « Un véritable chaudron », selon son maire, Jean-Claude Bouchet, député UMP du Vaucluse, qui a lancé un appel à l’aide auprès des ministres de l’intérieur et de la justice, fin août.

Le contexte est extrêmement tendu. Une centaine de véhicules ont été incendiés dans la ville depuis le début de l’année, dont sept, par exemple, pour le week-end des 12 et 13 septembre. « On fait face à une recrudescence des incendies », constate le directeur départemental de la sécurité publique, Jean-Pierre Sola.

Des dégradations ont visé la plupart des institutions présentes sur le quartier. Le centre médico-social a vu son portail enfoncé par un camion bélier qui a ensuite été incendié devant le bâtiment. La façade d’une banque a été partiellement brûlée. Le centre communal d’action sociale a subi des dégradations. Le poste de police municipale, incendié il y a plusieurs années, n’a jamais pu rouvrir. Du centre social, rasé il y a quelques années après de graves incidents, il ne reste que les marques au sol.

Les violences n’arrêtent plus, rapportées chaque semaine par la presse locale. Un tir de fusil à plomb contre les pompiers en octobre 2008. Plusieurs nuits d’émeute en novembre 2008 avec des affrontements entre plusieurs dizaines de jeunes et la police, de nombreuses dégradations et l’incendie d’un drapeau tricolore. L’agression d’éboueurs en début d’année. Des violences contre des employés de l’office HLM, Mistral Habitat, qui disent désormais venir dans le quartier « la peur au ventre ». Des jets de pierres contre les forces de l’ordre. Et une hausse globale de la délinquance sur la ville de plus de 21 % au premier semestre. « Nous sommes dans une véritable confrontation qui porte sur la réappropriation des espaces publics, la crédibilité de l’action publique et le maintien de l’état de droit. Nous sommes à deux doigts de voir l’apparition de milices privées », alerte le maire dans son courrier aux ministres.

Le quartier paie la faillite des politiques publiques, locales et nationales, depuis plusieurs années dans un contexte de chômage massif. La suppression du centre social, en particulier, a laissé une génération de jeunes sans encadrement en dehors d’une éducatrice spécialisée. La police comme la mairie évoquent un noyau dur d’une petite dizaine de jeunes adultes, rejoints, ponctuellement, par des adolescents. « Ceux qui s’excitent aujourd’hui sont ceux qui n’ont eu aucune prise en charge depuis quatre ans. Cette génération-là a mis le bordel au collège et maintenant, c’est dans la ville », explique un intervenant en demandant à rester anonyme. « C’est un quartier qui a été complètement abandonné. Les habitants se sentent délaissés par les institutions », ajoute Ahmed El Asri, 22 ans, président d’une des deux seules associations actives dans la cité.

De manière incompréhensible, la ville est passée au travers des opérations de rénovation urbaine. Une tour, la plus dégradée, devait être détruite, deux autres devaient être raccourcies et rénovées. Sauf que, pour d’obscures raisons administratives, Cavaillon ne figure pas sur la liste finale des sites retenus. « Dans l’attente de la rénovation urbaine, notre politique a été de différer les travaux pour ne pas investir dans un immeuble qu’on allait démolir », se justifie le directeur de Mistral Habitat, Lucien Stanzione, en disant comprendre la colère des habitants, mais en accusant la mairie de ne pas avoir su mener les négociations avec l’Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Laquelle mairie accuse l’office HLM d’avoir arrêté les opérations d’entretien et de réhabilitation.

La cité se retrouve ainsi au milieu d’un conflit politique entre la municipalité de droite et l’office HLM départemental tenu par la gauche. « Dès que tu demandes quelque chose au bailleur, ils te disent que c’est la mairie. Dès que tu demandes à la mairie, ils te disent d’aller voir les HLM », se désole Ahmed El Asri qui attend toujours, par exemple, que le bailleur social installe des portes d’entrée dans le local où il souhaiterait mettre en place du soutien scolaire.

S’ajoute la problématique de l’emploi, très sensible dans un quartier où un actif sur deux ne travaille pas. Des jeunes ont agressé les agents de l’office HLM, extérieurs à la cité, en les accusant d’occuper des emplois qui auraient dû, d’après eux, leur revenir. Beaucoup critiquent également les promesses d’embauche non tenues, selon eux, par le maire durant sa campagne électorale.

Les problèmes de sécurité ont tendu les rapports entre le quartier, où vivent essentiellement des familles d’origine maghrébine, et le reste de la ville. Dans une commune où le Front national a obtenu jusqu’à 30 % des voix en 2002, et encore 20 % en 2007, la question de « l’intégration » revient régulièrement. Les jeunes se plaignent d’être victimes de discriminations à l’entrée de boîtes de nuit ou pour installer leurs commerces en centre-ville.

Le maire, lui, évoque la « concentration de population étrangère » et « une seconde génération avec des difficultés d’intégration avérées », parmi les facteurs de tension. « Les gens en ont marre. Nous ne sommes pas dans une zone de non-droit », s’agace Jean-Claude Bouchet en visant les incivilités des jeunes des quartiers. Même si les faits restent isolés, il perçoit des risques de dérives plus graves. « Des employés municipaux ont reçu des déchets lancés d’une tour. On leur a crié : »Putain de Français, continuez à nettoyer notre merde !«  », raconte l’élu. Sur un des murs de la cité, une main anonyme a écrit le traditionnel : « Nique la BAC ». Mais a ajouté « On tire o ponpe », dans une orthographe hésitante, pour menacer de tirer au fusil à pompe sur les policiers.

Luc Bronner

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