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Commentaire de Armelle Barguillet Hauteloire

sur Alexandre Pouchkine ou l'empire des mots


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Armelle Barguillet Hauteloire Armelle Barguillet Hauteloire 28 septembre 2009 19:07

à Renève

Vous me reprochez de manquer de fantaisie, d’imagination et d’humour. Il est vrai que les derniers articles que j’ai commis ne s’y prêtaient guère, mais que je peux écrire des choses aussi différentes qu’un essai sur Proust , un poème comme « Le chant de Malabata », des contes et aussi des fables dont celle-ci :

Un jour, / Qu’au centre de la forêt,/ Se tenaient les Etats Généraux / De nos amis les animaux, / Les uns et les autres se plaignirent, / Qu’à leur égard, les humains / Affichaient trop de dédain. / Ecoutez plutôt / Ce que le tigre, le premier / Vint raconter à l’assemblée./ Bigre ! dit-il non sans courroux, / Ne sommes-nous pas traités de jaloux / Par des quidams qui le sont / Bien davantage que nous ? / Jaloux comme un tigre, disent-ils.

Ah ! Ah ! s’exclama une oie, / Qui se trouvait à passer par là. / A votre tour, comprenez mon émoi / Quand je surprends alentour, / Des propos fort discourtois. / Il me revient aux oreilles, / Que l’on traite telle jouvencelle / De bête comme une...
Ces ragots sont intolérables, en effet, / S’indigna le chimpanzé. / Heureusement que j’ai la chance / D’être mieux considéré. / Ne voyez pas d’irrévérence / Si je vous confie, mes amis, / Que l’on me subodore plus malin / Que bon nombre de pékins.

Suffit ! répliqua le corbeau / Qui, du haut de son perchoir, / Drapé dans sa houppelande noire, / Jouait, non sans morgue, / Au tribun vénérable. / Malin comme un singe, dites-vous ? / Voilà un compliment / Qui recèle, assurément, / Plus de fiel que de miel. / A votre place, mon cher, / Je ne serais pas si fier / Qu’on me flattât de cette manière.

C’est alors qu’entra en scène / Sa Majesté le lion. / Sa présence suscita / Une vive émotion. / Vous parlez à tort, dit-il, / Plus sentencieux encore / Que le docte corbeau. / Les hommes, comme nous autres, / N’ont jamais respecté / Que la loi du plus fort. / Aussi ne soyez pas étonnés / Si je passe pour bien né. / Ils m’ont même proclamé roi. / Et sachez que, chez eux, / Ce titre-là est prestigieux.

Hélas ! gémit une colombe, / D’une voix d’outre-tombe, / N’arrive-t-il pas que, parfois, / Au milieu de leurs peuples en liesse, / On coupe la tête des rois ? / Certes, certes, poursuivit le lion, / Les hommes ne sont pas des agneaux, / Ils ont même tant de défauts / Qu’ils nous les mettent sur le dos.

Les doléances n’en finissaient pas. / C’est ainsi qu’une tortue / Se plaignait qu’on la jugeât lente, / Qu’un renard se demandait / S’il devait se vexer / Qu’on le prît pour rusé, / Alors que, dans l’hémicycle, / Un paon protestait contre ceux / Qui osaient lui reprocher / D’être un brin vaniteux.

Pour clôturer le débat, / Une couleuvre demanda : / Qui de moi ou de la gent humaine, / Qui me juge paresseuse, / Vous semble la plus venimeuse  ? / La réponse allait de soi. / Les hommes, qui ne sont pas charitables, / A trop médire ne retirent / Que des succès peu louables. / Tant il est vrai que l’on est plus enclin / A rire des autres que de soi. 


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