Cela devient un fantasme récurrent, la capacité du peuple français à se révolter. Pourtant les raisons de se révolter, ça fait un petit moment qu’elles devraient avoir passé le seuil tolérable. Les fripouilles qu’on appelle « l’élite » de notre pays en ont suffisamment fournies, avec une morgue et une façon toujours plus grotesque et paresseuse de mentir.
Vous sous-estimez les structures d’inertie qui nous confinent à l’atonie, la façon dont notre démocratie républicaine supporte très bien (contre toute attente ?) l’inégalité sur laquelle est fondé le salariat, l’emprise quasi totale de quelques ploutocrates cupides sur ses médias.
Le plus drôle (ou triste) est lorsque l’on lit ces articles (le Monde, Libé, etc) sur la fin de la démocratie au Vénézuela parce qu’une décision d’Hugo Chavez tend à ramener la part des médias détenus par des nantis menteurs et vomitifs de 90 à 89%. Et finalement cela donne une bonne idée de la façon dont on envisage aujourd’hui la démocratie en France.
Cela rappelle aussi la confrontation Schneiderman/Bourdieu à une époque. Bourdieu essayait d’expliquer pourquoi le principe de contradiction n’avait, contrairement à ce qu’il paraissait, aucune légimité démocratique lorsqu’il s’agissait de confronter une pensée hétérodoxe (qui n’avait aucune présence dans le monde médiatique) à une pensée orthodoxe qui s’offrait tous les éditoriaux, tous les JT, à peu près tous les espaces médiatiques, sans aucune contradiction. En clair, pourquoi Alain Duhamel défendant le néo-libéralisme tous les matins n’avaient aucun contradicteur quand Pierre Bourdieu, exceptionnellement invité à la télévision à « Arrêt sur images », devait accepter de recevoir lui la contradiction, sous prétexte de « démocratie » ?
Schneiderman semble en tout cas en avoir tiré la leçon (ce qui est tout à son honneur) en ayant réalisé toute une émission avec pour seul invité le penseur économiste hétérodoxe Frédéric Lordon (dont cependant la crise de septembre-octobre 2008 a permis de démontrer, sans plus aucun doute et pour les esprits les moins informés jusque là, la pertinence de sa pensée). Et il y a quelques jours Jean-Luc Mélenchon, que pour une fois l’on n’avait pas confronté à trois ou quatres porte-flingues sarkozystes.