Bravo Yannick, vous avez tout bon !
La ligne de fracture politique ne se fera plus entre la gauche et la droite, mais
entre le système horizontal et vertical.
Aujourd’hui, nous vivons dans un
monde dominé par le système vertical, pyramidal et malthusien. On crée la
rareté, on filtre l’information pour conserver le contrôle sur les esprits et
les sources de richesse. On fait croire à une concurrence qui n’est qu’un
leurre.
Voici ce qu’écrivait Alain
Lieury, professeur de psychologie cognitive à Rennes, au sujet du système
scolaire : il se demande « si l’objectif scolaire est de faire
apprendre des connaissances ou d’utiliser le savoir pour sélectionner ». Soit le système pyramidal et malthusien
dont je parlais.
Il est en cela rejoint par
Antoine de la Garanderie
(qui n’est pas réputé pour être un révolutionnaire gauchiste) : « La société dans son ensemble,
l’institution scolaire dans sa spécificité ont adopté le principe darwinien de
la concurrence pour que s’opère la sélection des plus aptes. Ce naturalisme est
physiquement ruineux et moralement haïssable. Physiquement ruineux parce que si
on le pousse à son terme, il devrait conduire à une perpétuelle élimination des
uns par les autres… jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un, qui n’aura plus
pour solution que de s’opposer à lui-même pour savoir qui est le plus fort
entre ce qui, en lui, est opposant ou opposé… Moralement haïssable parce qu’il
repose sur une constante production de victimes… sans souci de vérité, sans
exigence de justice, sans aspiration de liberté. La fausseté de ce principe
apparaît dès qu’on se livre aux enquêtes que nous avons développées dans cet
ouvrage : il y a infiniment plus de ressources dans l’être humain que le
principe de la concurrence n’en fait émerger. Alain disait que la charité est
la foi dans l’homme. Je pense que cette charité fait œuvre de justice
lorsqu’elle aide l’homme à se révéler les ressources qu’il porte en lui et dont
il ne s’avisait pas. » (in pour une pédagogie de l’intelligence)
Et encore Antoine ici (in La motivation) : « Le
petit nombre des élus a de quoi décourager même les bonnes volontés. Une
société soucieuse de détecter une élite s’ingénie à multiplier les obstacles
les plus sophistiqués afin de faire trébucher. […] D’où peut provenir que la
société ait eu une conception fondamentalement malthusienne de l’élite ?
Si la science a besoin de son langage, expression précise de son objet,
l’ésotérisme du langage obligatoire est-il la carte de la communication
pédagogique ? N’est-il pas utilisé à des fins moralement condamnables,
soit décourager le plus grand nombre ? D’où découle dans l’opinion l’idée
que la réussite intellectuelle est chose fort difficile, qui exige des
aptitudes spéciales. L’élite est dès lors reconnue et son droit à être
minoritaire fondé. […] Dans la perspective marxienne, il faudrait dire
que le chercheur, marqué par l’idéologie dominante capitaliste, ne peut
remettre en cause l’ordre social culturel, qui réserve à une minorité le droit
à une large part du gâteau…. Il convient donc qu’il y ait peu d’élus dans
l’examen des capacités individuelles, sinon il y aurait lieu de revoir le
principe de l’inégalité du partage. Si tout le monde – ou si beaucoup de monde
– est apte à remplir des tâches complexes, l’inégalité de la rémunération est
remise en cause. A partir du moment où l’on accepterait l’hypothèse qu’être
apte à relève non pas d’un don mais d’une méthode, il faudrait remettre en
cause le principe de l’inégalité des capacités. Il y a une autre raison,
directement épistémologique ( = discours sur les sciences) : au lieu de
chercher comment l’on s’y prend pour penser, on fait appel à des moyens de
mesurer les fruits extérieurs de la pensée grâce à des épreuves qui permettent
d’utiliser l’instrument statistique (y compris les tests et les notes). Ces
instruments consacrent (« prouvent ») l’inégalité des êtres humains
puisque tout le monde est placé devant la même tâche. »
Internet est donc l’outil qui annoncera – peut-être – la société
horizontale, la société de l’abondance où chacun trouvera une place. Le
fonctionnement en réseau d’Internet est par ailleurs en adéquation totale avec
le fonctionnement du cerveau, ce qui n’est pas sans incidence. La collaboration
et coopération plutôt que la concurrence. La
démocratie directe plutôt que la démocratie représentative. Les dernières
découvertes en neurosciences (neuroplasticité, neurogénèse) et en génétique
confirment que notre corps crée et alloue les ressources nécessaires à la
réussite des tâches que nous nous donnons, ce qui en retour modifie notre
corps. Or, l’élite en place veut
conserver le monopole sur toute chose, sinon elle disparaît parce qu’en
réalité, elle ne repose sur aucun fondement.
Nul doute, comme vous l’écrivez, que les résistances au
changement des hommes politiques actuels se feront fortes. Car toute
organisation humaine fonctionne comme l’être humain : elle vise la
pérennité et active les défenses pour subsister. A nous d’être plus forts et plus solidaires, au-delà de nos petites
querelles et divergences secondaires.