FAUT-IL DONNER UN DROIT DE VOTE AUX ÉTRANGERS ?
Depuis que l’on a supprimé le suffrage censitaire, payer des impots (ou non) ne donne (ni n’enlève) aucun droit de vote. Par ailleurs il est déplacé d’invoquer une exigence d’égalité entre étrangers U.E et étrangers hors U.E. Le Conseil d’Etat a récemment jugé que la préférence communautaire n’était pas contraire au principe d’égalité (arrêt du 23 octobre).
Ce vote des ressortissants d’ États hors U. E. ne serait une mesure de justice que si les distinctions Français / citoyens de l’Union Européenne / étrangers n’étaient pas fondées en droit. Ces étrangers, votant déjà, s’ils le souhaitent, par correspondance ou par procuration dans leur pays (tout comme les Français de l’étranger), auraient, si cette disposition était adoptée, double poids ; ainsi certains seraient plus égaux que d’autres, ce qui est hélas déjà le cas avec les doubles, voire triples nationalités dont notre époque égalitariste s’accommode curieusement … S’il y a une justice à établir, c’est la suppression de la reconnaissance de ces doubles et triples nationalités et non leur généralisation de fait à tous les étrangers présents sur le territoire.
Il y aurait injustice aussi par rapport aux nombreuses personnes qui ont véritablement et sincèrement souhaité acquérir la nationalité française depuis les années 1960 pour participer à la vie nationale et aux choix engageant l’avenir de notre nation.
Ce vote des résidents étrangers irait encore à l’encontre de la cohérence de la construction de l’Union européenne, puisque actuellement les citoyens de l’U. E. ont, par la vertu juridique du traité de Maastricht dans son article 8 B, et sous réserve de réciprocité, droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et aux élections européennes (dispositions assorties d’un contrôle empêchant théoriquement le double vote).
Comment pourrait-on justifier aux yeux des Français auxquels on a fait approuver par référendum le traité de Maastricht de 1992, que cette exigence de réciprocité, légitimement exprimée pour les ressortissants des quinze États alors membres de l’U. E., peut être abandonnée, sans autre forme de procès, dans le cas d’immigrés hors U. E., et en majorité ressortissants de nombreux États non-européens ?
Sortir de la “logique de réglementation”, comme le proposait irresponsablement le député devenu ex-ministre Yves Jégo et récemment Raoul Castro, ce serait en fait sortir de l’État de droit et créer une insécurité juridique. Ce serait aussi, on l’a dit, faire fi de l’instauration d’une citoyenneté de l’Union européenne, par l’article 8 du traité de Maastricht ; voir aussi le chapitre V de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Que vaudrait alors cette citoyenneté ? Le président Sarkozy l’a compris puisqu’il prend maintenant en compte ce problème de réciprocité pour écarter le vote des étrangers aux élections locales.
Loin d’être utile à la cohésion nationale, le vote des étrangers la mettrait gravement en péril ; les lois de décentralisation et le mode d’élection des sénateurs font des élections municipales des élections plus que « locales ». Si les immigrés ne relevant pas de l’Union européenne veulent s’assimiler, participer à notre vie politique, ils en ont le moyen, fort simple, et traditionnel : mériter et obtenir individuellement la naturalisation ; celle-ci est déjà facilitée pour les personnes pouvant justifier de deux années réussies d’études supérieures (DEUG). Mieux vaudrait donc suivre cette voie plutôt que de s’enliser dans la recherche d’un “pacs immigrationniste” collectif pour ceux qui refusent la naturalisation ; la Constitution énonce un principe (art. 3 C., 4e alinéa) : “Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques.” Notre Constitution, trops souvent négligée, mérite d’être prise en considération par celui qui postule à une fonction qui inclut de veiller au “respect de la Constitution” (art. 5 C.).