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Commentaire de ZEN

sur Portraits d'Islam (1) : Mahomet, le Conquérant de l'Arabie


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ZEN ZEN 3 novembre 2009 18:57

CLS, ethnologue de génie, mais historien médiocre, du fait d’une méthode structurale féconde mais rigide, adaptée seulement aux sociétés sans écriture (ce que Sartre lui reprochait...)

"...Dans Tristes tropiques, il confie à un détour de page : « … il m’a fallu rencontrer l’Islam pour mesurer le péril qui menace aujourd’hui la pensée française. Je pardonne mal au premier de me présenter notre image, de m’obliger à constater combien la France est en train de devenir musulmane […] » dit-il. Plusieurs décennies plus tard, au début des années 2000, Claude Lévi-Strauss réitère ses propos en confiant au Nouvel Observateur : « les brefs contacts que j’ai eus avec le monde arabe m’ont inspiré une indéracinable antipathie ».

L’amoralité d’un tel aveu contraste évidemment avec les multiples précautions oratoires prises par les intellectuels les plus conservateurs pour parler du monde arabo-musulman. Mais au-delà de cette originalité, il y a l’indécrottable culturalisme de Claude Lévi-Strauss, un culturalisme qui le conduit paradoxalement à naturaliser la culture, c’est-à-dire à en faire un phénomène dissocié du reste du monde social ou considéré comme une réalité totalisante dépassant les processus politiques et économiques qui le constituent.

En effet, Claude Lévi-Strauss a toujours retraduit le monde contemporain au prisme d’une interrogation : la différence entre les sociétés. Peu de choses, dans son anthropologie, permettent de comprendre comment les sociétés changent, comment elles s’inventent et s’imbriquent pour donner des phénomènes inédits. Cette incapacité à lire le changement social et cette inaptitude à entrevoir le monde aux travers des acteurs sociaux qui l’éprouvent sont au fondement de sa cécité face à la société actuelle. Elle est sans doute à mettre en relation avec son rapport lointain au terrain et la faible perspective historique à laquelle il pouvait ainsi prétendre concernant les sociétés qu’il a lui-même étudiées.

Mais c’est aussi la notion de « sociétés » tels qu’il en fait usage qui est en jeu. À la fois homogénéisées et expurgées des clivages sociaux qui les constituent, les sociétés semblent pouvoir s’incarner dans les comportements d’individus. Des immigrés par exemple. Claude Lévi-Strauss a finit par voir le monde contemporain à la lunette de clivages culturels et « ethniques » passés, un monde où les classes sociales n’apparaissent pas, où tout se qui s’apparentent au capitalisme et à l’État ne semble considéré que dans une globalité extrême. Cette pensée a de quoi susciter la critique. Mais c’est surtout l’admiration ambiante, peut-être celle du respect ou du devoir à l’égard du maître qui explique qu’aussi peu de voix s’élèvent pour marquer leur distance à l’égard de l’œuvre de Claude Lévi-Strauss.

Cette perception « archéologique » du monde lui permet de se voir accorder les vertus de misanthrope fantasmant le traditionnel pour mieux dénoncer le moderne. Mais a-t-on besoin d’une telle idéologie pour reconnaître les méfaits de notre société ? Malgré le nombre de pages publiées, malgré la puissance de la réflexion et de l’exceptionnalité de sa pédagogie, Claude Lévi-Strauss laisse orphelin ceux à qui l’on renvoie constamment leur culture pour expliquer "les échecs de leur intégration". (eric S. Mediapart)


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