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Commentaire de Denis COLLIN

sur L'identité nationale contre la nation


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Denis COLLIN Denis COLLIN 4 novembre 2009 16:03

Sans vouloir répondre à tout ce qui a été dit, et en laissant de côté les manifestations de ressentiment haineux, je voudrais préciser deux ou trois points que mon article n’a peut-être pas assez soulignés.

1) La nation ne me pose pas de problème. C’est l’identité qui me pose problème. Je refuse toute « essentialisation » de la question nationale, car c’est bien de cela qu’il s’agit aujourd’hui dans ce pseudo-débat. Autrement dit, je refuse que la nation soit ramenée à la définition d’un individu-type dont on va dire : « celui-là correspond à l’identité nationale » ! Or c’est bien ce que Sarkozy, Hortefeux et Besson proposent : définir à quoi devra ressembler quelqu’un qui veut faire partie de la communauté nationale. Une telle façon de concevoir la question nationale est radicalement contraire précisément à ce qu’a été - avec des hauts et des bas, j’en conviens - la conception de la nationalité française au moins depuis François Ier qui officialise le « jus soli ». Qu’on remette en avant ces débats rances au moment précis où les élites décident d’en finir avec la souveraineté nationale - c’est-à-dire avec la nation comme acte politique - voilà que me semble hautement révélateur.

2) Je ne suis pas « mondialiste » mais seulement « internationaliste » et l’internationalisme suppose, comme son nom l’indique, l’existence de nations ! Le gouvernement mondial serait soit tyrannique, soit anarchique disait fort justement Kant. Je crains bien qu’un gouvernement mondial ne soit à la fois tyrannique et anarchique - les quelques esquisses d’un tel gouvernement que nous connaissions le montrent à l’envi. L’humanité forme en théorie une communauté mais cet universel n’existe que dans la particularité. La nation forme un moyen terme entre l’universel et la singularité absolue, entre l’individu et l’humanité. Et il n’est pas d’autres moyens pour les humains de se gouverner eux-mêmes qu’en formant des communautés politiques particulières. Hannah Arendt disait justement que les frontières nationales sont en quelque sort les murs qui soutiennent le monde.

3) Reconnaître le caractère politique essentiel de la nation, c’est aussi reconnaître le droit des autres nations ! C’est pourquoi la revendication nationale a toujours été dressée contre l’empire. Chacun veut être maître chez soi ! Rien de plus naturel. L’impérialisme, par exemple l’impérialisme français, est la négation du principe national. Sa justification était que la France avait une vocation universelle et devait exporter cette vocation à ces barbares qui restaient englués dans la particularité. Du reste, les peuples colonisés se sont dressés contre la domination française en proclamant leur droit à avoir leur propre nation, leur propre gouvernement. Je comprends assez mal que ceux qui réclament sans cesse que la France pénitence de ses crimes coloniaux, passés ou présents, manifestent dans le même temps une telle hargne contre l’idée nationale. Si je proclame mon droit à être maître chez moi, je m’interdis du même coup de venir dicter au voisin sa façon de se conduire. J’en reste donc à Kant et à son « projet de paix perpétuelle » qui repose sur trois piliers : 1° la constitution républicaine des États ; 2° le « droit des gens », c’est-à-dire la reconnaissance de la souveraineté nationale et 3° le droit cosmopolitique qui se limite à l’hospitalité universelle.


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