L’itinéraire de ce voyage
s’est limité à la Cisjordanie en raison du bouclage de la Bande de Gaza
(pour les internationaux et les nationaux non munis d’autorisations
spécifiques). Les villes où je me suis rendue, avec mes compagnons de
mission, sont Jérusalem, Tulkarem, Qalqilya, Jénine, Beddou, Bethléem
et Hébron. Dans ces deux dernières villes, d’autres problématiques,
récurrentes, sont abordées : celle des réfugiés et celle de la ville
d’Hébron où une minorité de colons, protégés par toute une artillerie
lourde, s’est appropriée la vieille ville. Ces deux sujets ne seront
cependant pas traités dans cet article, concentré sur la question du
Mur.(*)
A terme, la longueur du Mur totalisera plus de 830
kilomètres (avec un coût de 2,8 millions de dollars par kilomètre) et
les territoires palestiniens se réduiront à 42% de la Cisjordanie, soit
10% du territoire de la Palestine historique. Il apparaît que la
création d’un Etat palestinien viable et indépendant est totalement
hypothéquée par ce plan diabolique.
z Jérusalem : l’achèvement du Mur aboutira à la confiscation par Israël de 90% des terres de la zone
Le « Grand Jérusalem » s’étend, à partir des limites de Jérusalem de
1967, vers l’ouest, par l’extension des quartiers juifs, et au nord, au
sud et à l’est, par la construction des premières colonies. Ces
dernières sont parmi les plus grandes colonies construites. Leur
fonction est de marginaliser géographiquement cette ville de la
Cisjordanie et de contrebalancer le poids démographique arabe, en plus
d’autres méthodes d’expulsion et de limitation d’accès à la propriété
imposées à la population palestinienne. Ces objectifs sont aujourd’hui
quasiment atteints.
Nous constatons qu’une colonie n’est pas constituée uniquement de la
surface construite, mais englobe une surface bien plus large dite de
surveillance (control area), qui peut s’étendre sur plus de 10
kilomètres au-delà de la colonie proprement dite.
Une clôture additionnelle est formée par le Mur que nous observons pour
la première fois sous ces deux aspects. En milieu urbain, c’est une
haute et épaisse barrière composée d’éléments gris cimentés de 8 à 12
mètres de hauteur et de 50 centimètres de large. La mobilité de ces
éléments laisse penser que ce qui est recherché, dans le cadre de la
stratégie d’occupation du gouvernement israélien actuel, c’est la
possibilité de faire avancer ces pans de mur dans le sens d’une
annexion plus large des terres palestiniennes par l’Etat d’Israël.
En milieu rural, le Mur est constitué d’une bande de terre variable, de
40 à 100 mètres de largeur, aménagée selon une technique fixe et
composée de plusieurs éléments. De chaque côté se trouvent des barbelés
de fer, longeant un profond fossé, suivi d’un grillage électrique à
haute tension avec, à certains endroits, des capteurs, une bande de
terre - balayée tous les jours - qui sert à détecter les empreintes, et
la route goudronnée, où passent les véhicules de l’armée. Des tours de
guet sont également disposées tout le long de cette barrière où
patrouillent des jeeps des forces de l’occupation israéliennes, des
tanks et des véhicules blindés.
z Le mur englobe toutes les colonies et les nappes phréatiques les plus importantes
Le tracé du Mur ne suit pas la frontière de 1967, définie par les
instances et dans les résolutions internationales ou les accords
d’Oslo, mais répond à une stratégie d’expropriation visant à englober
toutes les colonies, même celles construites le plus à l’intérieur de
la Cisjordanie, ainsi que les nappes phréatiques les plus importantes,
sans prendre en considération les besoins et les droits de la
population palestinienne.
Autour de Jérusalem, le Mur concrétise le projet sioniste du « Grand
Jérusalem », qui vise à judaïser et à annexer Jérusalem-Est dans une
zone métropolitaine juive, figeant de fait l’annexion illégale de
Jérusalem depuis 1967. Il englobe les colonies, internationalement non
reconnues et irrégulièrement construites, et isole les quartiers arabes
à forte densité, ce qui entraîne la séparation de 70 000 Palestiniens
résidant à Jérusalem de leur ville et de leurs droits de citoyens.
Le Mur sépare Jérusalem, au nord et au sud, de la Cisjordanie, l’est
étant bloqué par l’extension de la colonie Ma’ale Adumim (qui se
prolonge jusque dans la vallée du Jourdain). L’achèvement de ce projet
aboutira à la confiscation de 90% des terres dans la zone de Jérusalem.
z Qalandia : les véhicules palestiniens ont une seule voie pour rouler, l’autre a été délibérément détruite
Le point de contrôle, plus communément appelé checkpoint ou mahsoum, de
Qalandia est le plus important de la Cisjordanie, véritable frontière
incontournable pour les Palestiniens entre Jérusalem et toutes les
villes au Nord.
Nous apercevons sur l’artère principale, venant de la localité d’A-Ram,
les panneaux de béton du Mur non encore monté, posés à terre.
L’aménagement est bien entamé mais ne consiste pas seulement à dresser
cette barrière sur le bas-côté de la route. Celle-ci est préalablement
dévastée, coupée en deux, forçant les véhicules palestiniens à rouler
sur une seule voie. Un muret gris est placé au milieu et le bitume a
été retiré de l’autre voie. C’est une preuve de la volonté manifeste
d’Israël d’entraver par tous les moyens la vie quotidienne des
Palestiniens.
Nous nous approchons de la portion du Mur déjà dressée dans cette zone
et nous nous retrouvons à quelques mètres du bâtiment qui devait
accueillir le Parlement palestinien. Ce bâtiment est bien sûr inachevé.
La maison en face, collée au Mur, n’a pas été démolie mais confisquée
par l’armée et transformée en tour de guet militaire. Une caméra filme.
z Tulkarem-Falaya : les portes dans le Mur sont ouvertes selon le bon
vouloir des soldats et les horaires affichés ne sont pas respectés.
Le point d’entrée de Tulkarem est le check-point d’Anabta, à 15
kilomètres, pour les véhicules non munis d’autorisation. L’armée n’est
pas présente, mais une barrière métallique jaune, posée sur deux blocs
de béton, barre la route aux voitures. Les chauffeurs de taxi déposent
les passagers d’un côté et ceux de la ville les attendent de l’autre
côté. C’est le principe de toute entrée-sortie des villes de
Cisjordanie, transformées en véritables ghettos, ou même, certains
jours, en prisons pour leurs habitants.
A Tulkarem, on nous informe de la destruction, hier, de 12 maisons,
affectant 20 familles, à Azzun Atme, village situé dans l’étau entre le
Mur et la Ligne verte. Afin de mieux cerner la question du Mur, nous
décidons de nous joindre à la marche de l’ISM (International solidarity
movement). Cette association a entamé une marche de trois semaines le
long du Mur, du 30 juillet au 18 août 2004, de Zubaba, dans le district
de Jenine, à Qalandia dans celui de Jérusalem.
Nous les rejoignons à Kfar Jamal, à Falamya. La portion de Mur suivie
au cours de notre marche est constituée de dunums de terre (2), sur une
largeur évaluée à plus de 40 mètres, confisqués aux Palestiniens.
Sur des écriteaux rouges accrochés au grillage - et que certains
manifestants essaient de retirer -, il est indiqué dans trois langues -
arabe, hébreu et anglais - que « la zone au-delà du grillage est zone
militaire et [que] quiconque cherche à l’outrepasser ou à l’endommager
se met en danger de mort ».
Le long du Mur, des ouvertures, les « gates », ont été aménagées pour
permettre le passage d’une zone à l’autre des personnes autorisées. Ce
sont principalement des paysans allant travailler leur terre, des
écoliers rejoignant leurs écoles ou des habitants des villes et
villages compris dans l’étau entre la première frontière, la Ligne
verte et cette nouvelle barrière. L’aménagement et l’ouverture des
portes ne sont
pas décidés en fonction du besoin de la population
locale.
Un écriteau sur le grillage indique trois heures d’ouverture supposées, à 6h30,
12h30 et 17h30, pour une durée d’une à deux heures chacune. Ces
indications ne sont même pas respectées par les soldats, qui agissent
selon leur bon vouloir ; le passage pouvant être ouvert à n’importe
quelle heure ou rester fermé toute la journée, voire plusieurs jours de
suite.
z Tulkarem-Jarushieh : accrochés à un arbre, placés près d’un puits,
les ordres de confiscation ne sont pas remis aux Palestiniens...
Al Jarushieh est un des villages qui jouxtent le Mur. Nous rendons
visite à une famille dont la maison se trouve à dix mètres du Mur. De
la terrasse, nous apercevons le Mur qui serpente sur 150 dunums de
leurs terres et qui les prive d’accéder à 400 dunums situés de l’autre
côté. Par une erreur de tracé - comme cela sera justifié par la suite
- , une autre partie des terres avait été complètement endommagée et les
arbres déracinés avant que le plan ne soit par la suite corrigé.
Désormais, pour accéder à leurs terres, ils ont besoin d’autorisations
qui sont de plus en plus difficiles à obtenir. Elles sont de moins en
moins octroyées et pas nécessairement renouvelées (le nombre
d’autorisations est passé de 70% au départ - probablement pour juguler
la colère des Palestiniens - à 30%, puis finalement est réduit
aujourd’hui à la dizaine). Quant aux délais donnés, ils sont de plus en
plus courts et les documents requis pour l’octroi de la permission sont
de plus en plus complexes à obtenir (il est notamment exigé un
certificat de propriété délivré par les autorités israéliennes - qui
détiennent le cadastre des propriétés « proches » de la frontière - et
qui nécessite la médiation d’un avocat).
Toutes ces procédures bureaucratiques visent à décourager lentement les
Palestiniens de revendiquer leur droit à la propriété et à l’usage de
leurs terres. Elles clarifient pour autant le caractère planifié de la
stratégie à long terme de la politique sioniste du Grand Israël. Au
verso des autorisations, le point 6 précise en effet que
« l’autorisation d’accès à la terre ne justifie ou n’implique aucun
droit de propriété à la terre en question ». C’est dire que l’obtention
de l’autorisation revient d’une certaine manière à une déclaration de
reconnaissance de l’ordre de confiscation et d’abandon du droit de
propriété.
Les Palestiniens ne sont pas avisés directement de la confiscation de
leurs terres. Les ordres sont déposés près d’un puits ou accrochés à
des arbres. Le tracé du Mur est indiqué sur une feuille sans mention ni
de la propriété ni du nom du propriétaire. Cette pratique vise à saper
encore plus le droit de propriété des Palestiniens et leur droit de
défense même devant une cour de justice israélienne.
z Une autorisation pour une seule porte. Anes et tracteurs ont besoin d’une autorisation spéciale
Une autorisation de passage est associée à une porte spécifique. Pour
obliger davantage les Palestiniens à abandonner leurs terres, les
paysans ne peuvent pas passer par d’autres portes (par exemple si celle
à laquelle ils ont accès est fermée) et ne sont pas nécessairement
autorisés à passer par la porte la plus proche de chez eux. Les
véhicules ne sont pas non plus autorisés à franchir le Mur. Seuls les
tracteurs et les ânes, avec des autorisations spécifiques, peuvent le
faire.
Pour accéder aux terres dont il se trouve séparé, à quelques mètres,
notre hôte doit dorénavant parcourir 5 kilomètres sur des chemins
tortueux jusqu’à la porte dont il a l’autorisation, soit 10 kilomètres
aller et retour. Ses enfants ne peuvent pas l’accompagner car ils n’ont
pas d’autorisation et ne peuvent pas être inscrits sur la sienne. Les
paysans peuvent aussi être l’objet d’humiliations quotidiennes de la
part des militaires. Notre hôte nous racontera ainsi qu’un militaire
lui avait demandé de prénommer son âne du nom de sa femme s’il voulait
pouvoir passer la fois d’après et, une autre fois, un militaire lancera
à son passage : « Chaque âne tire son âne ».
Chaque année, il produisait plus de 800 bidons d’huile d’olive. Cette
année, pour la première fois, il avait dû en acheter. La proximité du
Mur crée une grande insécurité pour ces familles. Les jeeps
patrouillent toutes les demi-heures et les somment de fermer les
fenêtres qui donnent sur le Mur et de quitter la terrasse.
(A suivre)
Le Mur enferme les Palestiniens de Cisjordanie dans une véritable prison à ciel ouvert.
10/11 14:57 - Junior M
10/11 14:34 - eric
Mort de rire ! Les « millier des spécialistes professionnels formés au frais du communisme » (...)
10/11 12:08 - croacroa
Après le mythe de la shoah voici le mythe du mur de Berlin, les extrêmes qu’elles soient (...)
10/11 12:06 - croacroa
bizarre tout de meme que tout message remettant le fou de dieu bebel17 a sa place ( les (...)
10/11 11:50 - croacroa
Tiens je viens de lire le message de lyon et je le rejoint sur un point l islam n est pas (...)
10/11 11:49 - Mannalaugar
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