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Commentaire de Didier Cozin

sur Comment perdre son employabilité en 10 leçons


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Didier Cozin Didier Cozin 17 novembre 2009 09:10

Les français sont des gens bizarres : en 2003 les partenaires sociaux (à l’unanimité) inventèrent un nouveau Droit : celui de se former pour comprendre et évoluer dans la société de la connaissance et de l’information ; En 2004 la Loi mit en forme ce droit créé comptabilisé depuis le 7 mai 2004.
Depuis cette date les personnels salariés accumulent leur Droit à la Formation sans que personne ou presque ne s’en émeuve.
- Certains salariés ne connaissent toujours pas le DIF (ils confondent DIF et CIF ou encore plan et Droit à la formation)
- Certains salariés échaudés par une école élitiste craignent de montrer ou de dire qu’ils sont ignorants dans certains domaines
- Certains salariés pensent que si leur entreprise leur propose une formation c’est parce qu’elle pense les licencier (comme si la formation était la cause des difficultés économiques actuelles)
- certains salariés n’osent pas demander leur Droit à la formation de peur de passer pour revendicatifs
- Certaines entreprises ne veulent pas former les personnels les moins qualifiés car elles ont peur qu’ils leur échappent s’ils montent en compétence
- Certaines entreprises ont peur de devoir payer pour la formation de tous les personnels et ceci régulièrement (la formation est encore vécue comme un coût)
- Certains patrons pensent que la formation doit être réservée aux plus qualifiés
- Certaines entreprises pensent qu’il vaut mieux acheter des machines que former les salariés à les utiliser
- certains patrons sont aussi capables de renvoyer un salarié qui aurait l’outrecuidance de demander son DIF (nous l’avons connu avec Novatem)

Bref notre beau pays semble mal armé pour entrer dans la société de la connaissance et de l’information (car il n’y a aucune chance que nous revivions la révolution industrielle du XIX ème siècle).
Aujourd’hui tout se conjugue pour pousser le DIF dans un énorme chaos professionnel et social :

  • la crise économique qui alerte les salariés sur leur avenir professionnel (ceux qui ont suffisamment de clairvoyance évidemment)
  • La Loi d’octobre 2009 qui remet en avant le DIF en l’installant définitivement dans le pays professionnel (de nombreuses entreprises pensaient encore en 2008 qu’il serait abandonné car trop difficile à mettre en œuvre)
  • Les médias qui s’emparent du dossier formation (le magazine Capital sur M6, Modes et travaux, télérama...)
  • La date butoir de 2010 qui verra les compteurs de la majorité des salariés plafonner à 120 h : en 2010 je prends mes 20 h de DIF ou je perds 20 h de DIF
 Les entreprises sont évidemment dans une difficile situation avec ce DIF qu’elles n’ont pas su, pas pu ou pas voulu mettre en oeuvre depuis 2005 (il fallait attendre 2005 pour bénéficier de ses premières heures de DIF). Ce que ne savent pas (encore) les salariés c’est qu’il n’y a aucune cagnotte formation dans les entreprises (dans les OPCA c’est une autre histoire) et que les fonds formations sont dépensés annuellement (et allègrement) dès le premier semestre dans nombre de sociétés.
Une grande société dans les services (18 000 personnes) nous expliquait en début de mois que le DIF portable lui coutera 5 millions d’euros si elle ne met rien en place dans les semaines qui viennent (car les sociétés qui jouaient sur le Turn over de leurs salariés devront désormais payer 9,15 euros par heure cumulée par les salariés les quittant).
Cet énorme effort DIF va devoir être mené alors que
  • les services RH et formation sont dégarnis dans la plupart des sociétés (il faut savoir que dans une grande société il y a une moyenne d’1 responsable formation pour
    2 000 salariés, avec au mieux l’appui d’une assistante)
  • les entreprises doivent construire en toute hâte une politique et un plan de l’emploi des seniors (avec une obligation de résultat dès 2010)
  • les entreprises doivent mettre en œuvre un plan de l’emploi des handicapés (coût annuel pour une société de 2500 personnes dans le BTP qui n’avait pas de salariés handicapés : 2 millions d’euros)
  • Et enfin elles devront aussi en 2010 se doter d’un plan d’action pour réduire le Stress (pour les sociétés de plus de 1 000 personnes)
  • Ne parlons pas de ce projet pour la parité homme-femme avec de possibles sanctions si les choses ne s’améliorent pas
Toutes ces contraintes arrivent au plus mauvais moment alors que beaucoup de sociétés ont des résultats catastrophiques et des carnets de commande à peu près vides.

Pour toutes ces raisons nous pensons qu’un véritable Krach éducatif pourrait se produire dès 2010. (1 milliard d’heures de DIF cumulées, ce n’est pas rien)

Le DIF ne « marchera » que si les salariés s’en emparent au plus vite, dans les sociétés fragiles ou de main d’œuvre traditionnelle (celles où il aurait le plus d’importance) il risque de rester un droit virtuel tant l’argent manquera pour le déployer.

La balle est dans le camp des travailleurs, s’ils ne demandent rien ils n’auront rien. Un droit doit toujours être conquis et ceux qui font la fine bouche pourraient laisser passer une vraie chance sociale et professionnelle.


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