http://www.annales.org/gc/2003/gc73/peaucelle75-88.pdf
Les bêtes sont là, dans une espèce de fosse, grouillant et
criant, comme si elles avaient la vision de l’horrible
la machine qui s’approche, et elles ne peuvent pas plus lui
échapper qu’un condamné, le cou dans la lunette, à la
guillotine. C’est une espèce de croc mobile qu’un homme
abaisse, et il saisit une des bêtes par une corde qui leur lie
à toutes les deux pieds de derrière. L’animal hurle, la tête
pendante, le groin révulsé, ses courtes pattes de devant
agitées d’un mouvement spasmodique, et déjà le croc
lancé sur une tringle a glissé. Il emporte la misérable
proie jusqu’à l’enclos d’à côté, où un autre homme armé
d’un long couteau l’égorge au passage, d’un coup si sûr et
si profond qu’il ne le répète pas. La bête hurle d’un
hurlement plus terrible. Une fusée de sang jaillit, épaisse
comme un bras et toute noire. Le groin palpite plus
douloureusement, les courtes pattes frémissent plus
frénétiquement, et ce spasme d’agonie ne fait qu’accélérer
le mouvement du croc qui continue de glisser jusqu’à un
troisième belluaire. Ce dernier, d’un geste rapide, détache
l’animal. Le croc remonte, et le corps s’abîme dans une
espèce de canal-lavoir, rempli d’eau bouillante.