Sétif, Guelma, 8 mai 1945 :l’histoire occultée ?
Rappel
des faits
Pour la première fois en soixante-quatre ans, un espace public officiel
français, la mairie de Paris, s’est souvenu, dans un colloque, des
massacres de Sétif et de Guelma en Algérie. Des événements occultés par
l’histoire française.
« Cela
fait soixante ans que j’attends cet événement ! » L’intervention
d’Ahmed, un octogénaire algérien de Sétif, est éloquente quant au déni
qui a caractérisé les massacres du 8 mai 1945 commis par la France
coloniale en Algérie.
Le mercredi passé, l’Hôtel de Ville de Paris a abrité un colloque
sur cette question afin de faire savoir, d’après Catherine
Vieu-Charier, adjointe au maire de Paris, « ces événements, très
complexes, très douloureux et injustifiables qui ont été les grands
oubliés dans l’histoire de la France ». Pour l’élue communiste, qui a
tenu a ceque ce colloque ait lieu, l’amnésie s’explique par le fait que
« politiquement il semblait insupportable de reconnaître de telles
horreurs, quand on en était à dénoncer celles de l’Allemagne nazie ».
L’historien Olivier Le Cour Grandmaison, qui a proposé ce colloque,
raconte à propos de ces massacres peu connus des Français : « Pendant
que l’on fêtait la Libération en métropole, des « indigène » étaient
arrêtés en masse, exécutés sommairement, fusillés à Sétif et Guelma
parce qu’ils avaient osé revendiquer l’application des principes de
liberté, d’égalité, de droit des peuples à disposer d’eux-mêmes contre
l’ordre colonial. »
Cette journée qui s’est terminée après la diffusion de l’Autre 8 mai
1945, un documentaire de Mehdi Lallaoui, est un premier pas vers la
« connaissance » et la « reconnaissance » des crimes d’État du 8 mai
1945 alors que « jamais depuis la fin de la guerre d’Algérie, continue
le même historien, un président de la République et la majorité qui le
soutient n’avaient à ce point réhabilité le passé colonial de la
France ».
Passionnés, les débats l’ont sans doute été. Un nostalgique de
l’Algérie française a indigné la salle lorsqu’il a qualifié les crimes
coloniaux de « quelques « bavures ». Mais il ne faut pas oublier, a-t-il
cru bon de préciser, « les oeuvres civilisatrices accomplies par les
missionnaires et les enseignants ». Par ailleurs, l’intervention d’une
nationaliste algérienne, qui s’est souvenue que Charles de Gaulle avait
traité les Français de « veaux », n’a pas manqué de soulever un tollé.
Les actes du colloque seront publiés dans les prochains mois avec le
soutien de la Mairie de Paris. L’Humanité vous livre déjà quelques
extraits.
Ali Chibani