L’oeil de la caméra partout nous guette !
J’arrive sur les lieux de mon travail : une barrière, un badge à pointer devant un lecteur.
Je passe d’un lieu à un autre : toujours ce même système.
Je prends un ascenseur : une procédure identique.
Je croise des maîtres-chiens au détour d’un couloir !
Plus tard, des vigiles, cow-boys modernes roulant les mécaniques, me surprennent dans le service où je pensais être seul : ils y sont entrés grâce à un passe.
Pas un mot, mais la secrète jouissance d’avoit pu éventuellement me faire peur, de m’avoir pris en faute !
On me bipe, je rapplique !
La conversation sur le Detc a été des plus brèves, formelle, purement catégorique.
Je me pointe à une entrée, appuie sur un bouton, un panonceau indiquant : votre appel est télé surveillé.
Dès lors, je me sais regardé, encore, toujours, je ne peux être pleinement moi-même, soupirer, pester.
Le lendemain matin, je rentre chez moi.
L’après-midi, je vais chercher ma fille à l’école : je connais l’emplacement des caméras récemment mises en place dans la ville, je ne parviens pas toujours à les oublier.
Je pense que oui, mais sais pertinemment qu’elles sont inscrites, là, quelque part en ma tête !
Je suis convaincu que l’innocence n’existe plus, que tous appartiennent à tous, que la frontière entre la vie publique et la vie privée est définitvement abolie.
Je suis convaincu que je suis un esclave, parmi d’autres, qui, contrairement aux autres, ne s’illusionne plus d’une hypothétique liberté.
Non, je me nourris bien plus de cet esclavage, l’assume, en espérant un jour, me lever et me libérer.
J’hante la ville durant la nuit, passe-montagne sur le visage... nous sommes cinq dans le même cas, bombes de peinture en main, qui nous protégeons sachant les caméras proches.
Et, ainsi méconnaissables, nous inscrivons sur les murs de la cité nos messages de colère.
Car tout est bon pour militer, résister, combattre.
Le risque me plaît et je suis entré en résistance.
Tout acte de désobéissance civile devient un acte de résistance, quand l’obéissance est une mort en soi !
Big Brother, tu devras faire face à des gens de bonne volonté !... la sale partie que tu joues n’est pas encore gagnée !