Camus et l’AlgérieExtrait :
En 1939, Camus publie,
dans divers journaux, des articles dénonçant la politique de répression
contre les nationalistes algériens et l’étouffement de toutes les
revendications du PPA (Parti du peuple algérien) ; un historien comme
Charles-Robert Ageron en parle comme d’« une voix où la générosité
s’alliait à l’intelligence politique ».
Mais ce qui a le plus grand retentissement, c’est la série d’articles qu’il publie en juin 1939 dans Alger républicain
sous le titre « Misère de la Kabylie » : onze longs articles, fruit
d’une enquête de terrain, qui montrent précisément cette misère,
dénoncent le système colonial qui la produit et reconnaissent la
justesse des revendications d’une « vie plus indépendante et plus
consciente » et des initiatives prises en ce sens par les indigènes. Camus y dit nettement sa honte de ce que la France a fait – et surtout n’a pas fait.
En mai 1945, à la suite des émeutes dans le Constantinois, Camus enquête sur place et publie dans Combat
six articles où, contrairement à la majeure partie de la presse
française, il dénonce la violence de la répression et affirme la fin
inéluctable des « impérialismes occidentaux ». Il prend la défense des
nationalistes algériens, modérés comme Fehrat Abbas, ou plus radicaux
comme Messali Hadj. « C’est la justice qui sauvera l’Algérie de la haine », conclut-il, mais en vain : ce qui deviendra la guerre d’Algérie est déjà commencé.
(...)
Il dénonce sans relâche, comme étant des « crimes », les
pratiques de représailles et de torture de l’armée française. Il
dénonce tout autant la pratique – et la justification – du terrorisme
aveugle par les rebelles. C’est dans ce cadre qu’il faut entendre sa
fameuse phrase de Stockholm, au moment de la remise du prix Nobel de
littérature (décembre 1957) : « J’ai toujours condamné la terreur. Je
dois condamner aussi un terrorisme qui s’exerce aveuglément dans les
rues d’Alger, par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma
famille. Je crois à la justice mais je défendrai ma mère avant la
justice. »