Pierre Veltz, il a fait polytechnique et l’école des ponts. il est
professeur à Science Po, que dit-il sur le système français lors d’un
séminaire sur la transformation des modes de production scolaire des
élites ?
"Le modèle des grandes écoles à la française – ici abordé par le prisme
des écoles d’ingénieurs, mais l’analyse vaut pour l’ensemble du système
– est à la croisée des chemins. Pratiquant volontiers
l’autosatisfaction, produisant des cadres yrès appréciés par leurs
employeurs, les écoles se portent bien, en apparence. Mais le degré de
fermeture sociologique y a dépassé les limites acceptables. Et elles ne
jouent pas le rôle qu’elles devraient jouer dans le développement
scientifique et technologique du pays, dans l’économie d’innovation qui
doit prendre le relais de l’économie de rattrapage que nous avons
connue depuis 50 ans. Trop petites, trop isolées, trop
franco-françaises ! Efficaces machines d’hyper-sélection et de
recrutement pour le CAC 40, elles sont très loin de pouvoir rivaliser
avec les grandes universités scientifiques et technologiques
étrangères, européennes, américaines, asiatiques, qui sont en moyenne
dix fois plus grosses et qui jouent un rôle-clé au coeur de l’économie
de la connaissance. Le manque à gagner pour le pays est énorme. Les
solutions sont connues : regrouper les écoles en ensembles de taille
internationale ; accroître la diversité sociale et culturelle ;
intensifier les liens avec les universités ; internationaliser
vigoureusement. Elles ne demandent que du courage politique. Les
grandes écoles sont-elles menacées ? Oui, de marginalisation. Faut-il
les sauver ? Bien sûr, car elles ont de grands atouts. Mais en les
modernisant, en les réinventant."
Il est étonnant qu’à l’occasion de ce débat, d’actualité, les
sociologues n’aient pas été davantage sollicités pour apporter leur
éclairage avec le résultat de leurs différentes études, loin de tout
clivage partisan ou idéologique.