Bonjour
Nous avons là un gros problème d’interprétation, et votre approche légaliste est selon moi pleine de contradictions. La liberté religieuse n’est pas un absolu. aucune liberté n’est un absolu dans notre société et dans notre système juridique. Par exemple, vous avez le droit de penser les pires horreurs sur quelqu’un, mais vous n’avez pas le droit de le diffamer publiquement. Vous avez le droit de vous auto-mutiler, mais pas de mutiler quelqu’un d’autre. Vous avez le droit de vous mettre une ceinture d’explosifs au nom de votre Dieu et de vous exploser au milieu de nulle part, mais pas de la faire péter sur une place publique. Etc.
Garantir l’égalité de traitement de tous les citoyens. Précisément ! Il faut lutter contre l’oppression et la violence faite aux individus ! Ce qui est extrêmement gênant c’est que vous oubliez le principal : aucune femme ne porterait la burqa de son propre choix si elle n’avait pas été contrainte dans sa liberté par un processus pervers d’éducation, d’oppression et d’endoctrinement. On se cache derrière des grands principes désincarnés en prétendant que les femmes portent la burqa ou le voile en totale conscience et liberté, alors qu’il s’agit du résultat d’une oppression manifeste, d’une négation de la liberté individuelle et de la femme en tant qu’être humain. Le rôle de l’état est de protéger chacun des citoyens contre toute forme de violence et d’oppression. Même si cela vient en contradiction avec ce que vous appelez la liberté religieuse. Voilà pourquoi la liberté religieuse n’est pas un absolu.
Imaginons qu’une religion préconise l’humiliation et la violence physique des enfants, au nom d’un texte sacré qui dirait que pour mériter Dieu, on devrait enfermer les enfants nus pendant 1 heure sous une douche glacée pendant que leur père les fouetterai. Il y aurait toujours quelques enfants qui accepteraient cet acte de torture parce qu’on leur aurait suffisamment lavé le cerveau pour qu’ils croient que c’est bon pour eux, que ça va sauver leur âme. Et une majorité d’entre eux qui souffriraient en silence en se demandant pourquoi personne ne vient à leur secours. Et vous continueriez à prétendre que l’on ne devrait rien faire au prétexte de la liberté religieuse ? En complète contradiction avec le principe d’égalité de traitement des citoyens ????? Et de la responsabilité morale de l’état ? Et des droits de l’homme ?
Pouvez-vous prétendre que les violences psychologiques ne sont pas des violences physiques ? Si oui, c’est une attitude rétrograde bien française (le droit français ne reconnait pas la violence psychologique, contrairement au droit américain par exemple), qui pourtant fait autant de mal que la violence physique. Je vous suggère de lire « Le harcèlement moral, violence perverse au quotidien », de Marie-France Hirigoyen (Ed. Pocket). C’est édifiant, et terrifiant.
Je vais aller plus loin. Si l’on voulait que l’Etat garantisse vraiment a liberté de conscience et les droits de l’homme, en partant du principe que cette liberté de conscience ne s’acquiert qu’à un certain âge, il faudrait INTERDIRE toute éducation religieuse chez les enfants avant, disons par exemple, l’age de la majorité, afin de garantir à l’enfant ou à l’adolescent qu’il est libre de construire son opinion spirituelle de lui-même. C’est d’ailleurs ce que de nombreux parents croyants chrétiens font d’eux-mêmes de nos jours. S’interdire soit-même d’influencer ses enfants, leur laisser atteindre l’age de maturité intellectuelle pour qu’ils fassent leur choix eux-mêmes. Voilà ce que serait une posture juridique en accord total avec la constitution : l’interdiction totale de toute forme de subversion de personnes qui ne sont pas encore autonome du point de vue de la conscience morale (les enfants).
Djemila Benhabib : Sachez qu’il n’y a rien dans ma culture qui me prédestine à être éclipsée sous un linceul, emblème ostentatoire de différence. Rien qui me prédétermine à accepter le triomphe de l’idiot, du sot et du lâche, surtout si on érige le médiocre en juge. Rien qui prépare mon sexe à être charcuté sans que ma chair en suffoque. Rien qui me prédestine à apprivoiser le fouet ou l’aiguillon. Rien qui me voue à répudier la beauté et le plaisir. Rien qui me prédispose à recevoir la froideur de la lame rouillée sur ma gorge. Et si c’était le cas, je renierais sans remords ni regret le ventre de ma mère, la caresse de mon père et le soleil qui ma vu grandir.