J’ai lu l’article de Lordon dans le Monde Diplo et ce
que je retire de celui-ci est la chose suivante : c’est que les bourses
ne servent pas - comme elles et les partisans du « marché » le prétendent
souvent - à renflouer le capital des entreprises en difficulté mais qu’au
contraire ce sont les entreprises en bonne santé créant de la valeur
ajoutée qui renflouent les actionnaires et donc la bourse.
Le volume des transactions boursières étant globalement
de plus en plus constitué par des opérations purement financières -
prêts, vente et rachat de crédits, création de bulles, etc... - qui
augmente les dividendes des actionnaires mais assèchent les économies,
l’argent allant à la spéculation, non à la production de biens ou
services et à l’emploi.
Le reproche que vous faîtes donc à Lordon et Jorion de
ne pas se placer sur le terrain de la philosophie mais sur celui des
marchés financiers (et de leur suppression), donc de l’économie, me
paraît terriblement tiré par les cheveux.
Marx, économiste et philosophe, lui-même a montré que
l’économie est rattachée à la philosophie dans le sens où les critères
économiques découlent de choix idéologiques et soit sont tournés vers
la privatisation des moyens de production et vers le profit, soit au
contraire vers la collectivisation des moyens de production et la
satisfaction des besoin de tous.
Pour mettre en oeuvre ces choix idéologiques, conserver
et étendre leurs privilèges, les capitalistes (grands industriels et
financiers) ont créé et utilisent des institutions comme la bourse, le
FMI, l’OMC, l’OCDE, la FED, la BCE, l’OTAN...etc... chargés d’imposer par le marché ou
par la loi la religion de l’argent roi, de l’accumulation du capital
comme remède à tous les maux alors que ce dernier est - nous le savons et le voyons clairement aujourd’hui -
la cause de bien des malheurs...
Supprimer ces institutions (et les remplacer par
d’autres) et, comme le dit Lordon, ne pas avoir peur de lever ce tabou,
c’est donner à l’argent, aux échanges entre producteurs et
consommateurs une toute autre valeur que celle qui consiste à le faire
fructifier artificiellement pour remplir les poches de quelques uns au
détriment de tous les autres.
Contrairement à vous, je pense au contraire que ce dont
les gens ont besoin c’est de plus d’argent, de plus gros salaires, de
meilleurs services publics, etc... et que ce sont les mécanismes et les
institutions du système capitaliste dénoncés par Lordon et Jorion, ce
système bien rôdé, qui pompent toutes ces richesses produites au départ
par les travailleurs.
Ces richesses doivent donc revenir aux travailleurs et servir au développement de l’ensemble de la société. Il faut donc par la loi, c’est à dire par la politique, changer les règles économiques pour qu’elles correspondent aux attentes des populations qui créent véritabelement les richesses par leur travail.
Proposer de « supprimer l’argent », c’est un peu comme
botter en touche et faire fi des arguments mûrement réfléchis des deux
intellectuels que vous citez.
Oui, écrit Lordon, on peut se passer de la bourse, ce
Monopoly géant du système capitaliste ! Et c’est être à mon sens autant
philosophe qu’économiste que de l’affirmer et de le démontrer !
Quant à la monnaie comme simple valeur d’échange,
l’argent, c’est une autre histoire qui remonte à des temps bien plus
reculés que le capitalisme.