Cher Saint Sébastien.
J’ai longtemps hésité à répondre à vos nombreux posts sur cet article, pour plusieurs raisons.
1. Nous avons des avis très communs sur d’autres articles d’autres auteurs, que vous avez commentés, ce qui a tendance à vous rendre forcément sympathique à mes yeux.
2. Vous connaissez des trans personnellement (d’après ce que vous expliquez dans l’un de vos posts, puisque vous avez l’occasion d’en côtoyer sur votre lieu de travail). Ce point ne rend pas votre position incompréhensible à mes yeux, puisque les trans que l’on peut rencontrer dans le milieu de la nuit ne sont pas vraiment représentatives des transgenres en réalité. Ce sont simplement les plus visibles, et elles deviennent donc de (fausses) références.
3. Vous êtes malgré tout, je pense, beaucoup mieux informé sur ce thème que beaucoup d’autres qui se permettent pourtant de déverser sur les trans une incompréhensible agressivité, accompagnée de nombre d’idées reçues aussi fausses que pénibles, puisqu’elles contribuent encore à la désinformation du public sur ce sujet. Vous avez personnellement côtoyé (toujours d’après vos dires au brésil notamment) la partie la plus « visible » de cet iceberg : la misère, l’exploitation sexuelle malsaine, les ghettos mafieux… J’imagine parfaitement quelle impression cela a du vous laisser.
4. Vous êtes black, et à ce titre, je pense que vous savez très bien de quoi on parle si on vous dit : « intolérance », « inégalité », ou « idées préconçues »… vous avez certainement, vous aussi, à subir tout cela sans avoir rien choisi, uniquement à cause d’une différence que vous n’avez pas choisie.
Il n’y a pas si longtemps, en Afrique noire, des hommes se sont battus pour sortir de leur condition d’esclaves. Ils ont eu à prouver au monde occidental qu’ils étaient bien des êtres humains et non des animaux, comme tous les blancs à l’époque le considéraient. Ils se sont battus pour obtenir les droits dont vous jouissez aujourd’hui. Cela nous rapproche donc encore à mes yeux, car cela ressemble au combat de toutes les différences contre les idées reçues, et notamment le combat des trans.
5. Vous avez un avis sur la chirurgie trans (et sur l’identité sexuelle) que je comprendrais presque si je n’étais pas moi-même dans ce « triste » bateau. Vous qualifiez tout cela de mensonge envers la société, de lâcheté… Là par contre, ça commence à faire trop à encaisser, et je ne peux pas m’empêcher de réagir !!!
Vous qui connaissez personnellement des personnes transgenres, n’avez-vous pas compris qu’elles cherchent au contraire à rétablir une vérité, et non à mentir à qui que ce soit ?
Imaginez 5 minutes que demain matin vous vous réveillez avec une paire de nichons et un vagin. Allez-vous les garder ? Et vous résigner ? Ou essayerez-vous par tous les moyens de vous en débarrasser pour redevenir l’homme que vous SAVEZ être ?
Si vous êtes « normal », vous aurez certainement envie de rétablir la vérité je suppose, et dans le cas contraire, vous ne feriez que jouer un rôle insupportable toute votre vie.
Partons donc du principe que vous vouliez réaccorder votre corps à votre mental. (Et non l’inverse, car vous n’ignorez pas qu’il n’existe actuellement AUCUN traitement psychiatrique de la transidentité.) Donc si vous souhaitez changer les choses, vous devrez forcément vous tourner vers les solutions EXISTANTES efficaces : c’est-à-dire hormones et chirurgie, puisque rien d’autre n’est disponible comme solution actuellement).
Lors de vos opérations de réassignation, tout le monde vous criera malgré tout que vous êtes et resterez une femme : « Regardes-toi ! Et acceptes ce que tu es au lieu d’emmerder le monde ! » Sauf que ce n’est PAS ce que vous êtes. Et même après avoir rétabli votre corps à l’image de votre identité réelle, il y aura toujours quelqu’un pour vous rappeler que POUR LUI, vous n’êtes pas ce que vous « semblez » être. Quelqu’un pour vous « nier », tout simplement. Et c’est insupportable.
Vous êtes un homme, Saint Sébastien, vous le savez, et vous n’avez rien à faire dans un corps de femme.
Donc s’il vous plait, respectez le calvaire des trans qui vivent réellement ce bien triste cauchemar.
Contrairement à ce que vous pensez, il n’y a aucune lâcheté là dedans, rien que du courage au contraire ; prendre le risque de tout perdre (famille, amis, travail, argent, vie sociale) tout simplement parce que la vie n’est plus supportable. Le suicide intervient souvent. Mais je trouve ça plus lâche que le combat pour la vérité. La vraie lâcheté serait de continuer à jouer un rôle ; de faire semblant d’être ce que l’on est pas.
Certaines perdent tout. C’est ce qui peut les amener en effet sur le trottoir, puisqu’ils et elles doivent bien manger, et gagner l’argent de ces traitements pas forcément pris en charge !! (Et sur ce point je vous rejoins : C’est un business ; mais bel et bien pour les médecins, et non pas pour les trans qui tapinent pour payer les toubibs.)
D’autres réussissent, et celles-ci, vous n’en entendrez jamais parler. Vous ne les remarquerez même pas dans la rue. Elles sont intégrées, invisibles, et aspirent juste à la tranquillité d’une vie ENFIN normale, dans la vérité rétablie. Vous les traitez de lâches ? De menteuses ? Non. C’est l’inverse.
Voici la transidentité telle que je la conçois, c’est-à-dire telle que je la vis.
Nous sommes tous ici pour donner notre avis, qui n’a pas vraiment d’importance de toute façon, mais ça serait tellement plus cool de faire ça avec un peu plus de respect, et un peu moins d’agressivité… Si vous avez eu la patience de lire mon post jusqu’ici, merci. (Mais je ne me fais pas trop d’illusions).
Bonne continuation.