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Commentaire de cjpkicherche

sur Jeu de la mort : les organisateurs sont-ils eux aussi des tortionnaires ?


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cjpkicherche 22 mars 2010 01:41

Je suis d’accord avec le pb signalé : l’animatrice elle-même joue un rôle de tortionnaire et le téléspectateur même s’il y a une grande différence entre la souffrance psychique de devoir dire non à une animatrice et la souffrance réelle bien que simulée d’un choc électrique. Mais bien d’autres aspects ont été escamotés lors de l’émission et la décrédibilisent

Le public ?
 Il est présenté comme « naif’. Dans ce cas comment se fait-il que sur la centaine (?) de personnes présentes aucune n’ait réagi lorsque des interrogateurs en difficulté ont fait part de leur malaise ? Qu’il n’y ait eu personne pour crier »on arrete« , au contraire : unamimité pour pousser au crime. En tout cas que personne ne s’interroge lors de la phase de d’analyse sur l’attitude du public et c’est plus qu’étrange car elle est plus inexplicable que celle des interrogateurs : ils sont spectateurs, ils ne sont pas pris dans le jeu, ils n’ont rien signé, ils sont libres de crier non. Le problème est que personne ne s’interroge sur cette passivité, qu’il n’y ait pas d’entretien individuel, de statistique sur ces réactions ou leur absence. rien. Aucun chiffre. le vide.
 Autre solution : le public n’était pas naïf mais engagé pour supporter l’animatrice. Dans ce cas en plus du phénomène »agent d’exécution« il y a la grégarité de l’etre humain : dans une foule ou dans un groupe l’homme a tendance à suivre. Dans une analyse »scientifique« cet élément ne peut etre escamoté. Quelle que soit la réponse, le doute me fait douter de l’émission.

Le contrat
 1) Dans la présentation, on nous dit que l’interrogé recevra »de légers chocs électriques« . Le fait d’accepter ce contrat introduit un biais. Il ne s’agit plus »d’hommes et de femmes ordinaires, comme vous ou moi« , mais de gens qui ont accepté ce contrat. Je me sens très ordinaire et jamais je n’accepterai un tel contrat. S’il faut faire souffrir quelqu’un pour lui sauver la vie, le dégager d’une voiture en flamme par exemple OK, mais dans un jeu, non. La moindre des choses aurait été d’indiquer combien ont refusé. Meme si ce chiffre est faible, une première analyse des refus, de la façon dont la question a été posée doit etre faite. Ici silence total.
 2) Arrivé sur le plateau, les cobayes découvrent qu’il ne s’agit pas »de légers chocs électriques« mais de chocs »dangereux’. C’est écrit dessus et en gros. Il y a une rupture manifeste du contrat. Comment se fait-il que personne n’ait réagi « ce n’est pas ce que j’ai signé » ? Qu’au moment de l’analyse personne ne commente ce changement de contrat en cours de route ni le biais qu’il introduit : on peut s’interroger sur le manque de discernement des interrogateurs. Nativement gogos ou piégés par l’ambiance ? Aucune réaction sur un panel de quelques dizaines, est-ce significatif ? Surtout, le fait que les organisateurs semblent ne pas l’avoir perçu m’interpelle.

Le jeu
 Il est pour le moins étrange et soulève de nombreuses questions.
 1) D’abord qui gagne « un million d’Euros » ?
 Si j’ai bien compris, pas les interrogateurs. Sur le forum que FR2 a mis en place beaucoup ont compris le contraire et écrivent « Pour un million d’Euros, je le ferais peut-etre » Soit, mais dans ce cas l’expérience est de savoir jusqu’où la cupidité peut mener les hommes et l’analyse doit porter dessus. Ni le titre, ni le reste ne conviennent. Un protocole expérimental beaucoup plus léger et supprimant de nombreux biais peut-etre imaginé.
 Ou bien est-ce l’interrogé ? Le « jeu » étant alors de savoir quel est le seuil de douleur qu’on est pret à accepter pour gagner un million d’Euros.
 a) Dans ce cas il faudrait non pas un, mais des dizaines d’interrogés. Pas des acteurs. Changer le titre. Changer tout. Un seul interrogateur suffit.
 b) Quand l’acteur dit « j’arrete, je ne veux plus continuer », il a perdu. Le jeu s’arrete. L’animatrice dit contre toute vraisemblance « continuez, vous allez le faire perdre ». Le jeu perdure meme quand l’interrogé ne repond plus. L’analyse devrait au moins s’interroger sur ce phénomène : le joueur a perdu, le jeu continue, l’animatrice tient des propos délirants et les interrogateurs ne s’en aperçoivent pas. Il y a perte de discernement. Quel est le but de l’expérience ? Montrer que dans certaines circonstances des humains perdent la tete, confondent le haut et le bas, la droite et la gauche ? Si c’est le but, le protocole n’est pas pertinent. Sinon à quoi joue FR2 ?
 2) Quelle est la règle du jeu ? Elle n’est pas expliquée clairement. Il s’agit semble-t-il de deviner un mot parmi 5. Honnetement, je suis peut-etre idiot, mais je n’ai pas compris. Cela se passe très très vite comme au bonneteau. Je ne suis jamais parvenu à découvrir la bonne réponse ni à comprendre pourquoi celle-là. Mais la vraie question est : quel est le taux d’erreur de l’interrogé ? Un interrogateur dit « il me semble très mauvais ». C’est vague. Si l’interrogé répond toujours à coté, c’est trop étrange et cela suffit pour que l’interrogateur arrête. Il y a un taux d’erreur admissible qui doit etre corrélé avec le taux d’erreur de l’interrogateur. Si celui-ci comprend qu’il pose des questions toujours plus idiotes = il ne voit pas lui-meme la reponse, il doit comprendre que quelque chose ne va pas. C’est possible que le cadre crèe cette autre perte de discernement, mais
 a) cela devrait etre commenté et analysé.
 b) le spectateur du film DOIT comprendre le jeu, sinon il ne peut s’empecher de penser à une émission truquée.
 c) Si on veut sauter les succès pour des questions de timing, le taux de succès doit apparaitre en permanence . Il suffit d’un bandeau score cf 11/32 comme dans toute émission sportive. Sinon cela décrédibilise tout.

Le sujet de l’expérience
 Là non plus, rien n’est moins clair. On fait référence à Milgram. Mais Milgram avait un sujet d’expérience précis et un protocole en rapport. Ici, on nous dit d’abord qu’il s’agit de refaire l’expérience en remplaçant la caution scientifique par le cadre d’un jeu télé. Puis on nous parle du « pouvoir de la télévision », ce qui est un sujet différent, vague et bateau. On nous présente en prégénérique des émissions trash et à nouveau dans le courant du film. Il s’agirait donc des « dérives de la télévision ». C’est un 3ème sujet, intéressant aussi, qu’on peut relier avec le second : ces émissions limites ont-elles une influence ? On peut imaginer un protocole adhoc et cela a été fait ailleurs, mais aucun rapport avec le documentaire qui concerne le pouvoir (ou l’autorité) d’une femme animatrice dans le cadre d’un plateau de jeu télévisé. Les émissions trash, les images de pavillons couverts d’antennes paraboliques n’ont rien à faire ici et ne font que brouiller les pistes. Le pouvoir d’une femme fut-elle animatrice n’est pas le pouvoir de la télé. Les trois sujets se télescopent en permanence. Or on sait que les monteurs du documentaire ont obéi à une logique. Ou bien les réalisateurs sont eux-memes très embrouillés dans leur pensée ou bien ils ont volontairement joué au presdigitateur. Il m’est apparu particulièrement inquiétant que dans le premier débat (j’ai renoncé à regarder le second) aucun intervenant, théoriquement de haut niveau n’ait pas relevé cela et que tous aient mélangé pouvoir de la télé et pouvoir d’une animatrice dans le cadre d’un jeu télé, ce qui est très différent
 Là aussi, je m’interroge. Aveuglement ou complicité ?
 
Les scientifiques
 Ils ressemblent trop aux personnages montrés dans d’innombrables série télévisées et films de science-fiction. Du professeur barbu et dessinateur de schémas aux « graphiques » vite montrés et jamais clairement expliqués. Les scientifiques sont pour la plupart beaucoup moins pittoresques et leurs graphiques beaucoup moins sexy. Il y a des exceptions célèbres et cette ressemblance avec la science fantasmée est peut-etre un hasard. Si le documentaire était plus crédible, je ne m’interrogerais pas. Mais là oui.

Bref, beaucoup de questions !
Si on s’interroge sur comment l’autorité fait obéir, il suffit de se rapprocher de n’importe quel officier de l’armée. Il a été formé pour cela et formé pour réagir aux cas de désobéissance. Des entretiens, des visites des coulisses des académies militaires auraient coûté moins cher et n’auraient pas été moins formateurs. Moins spectaculaire et moins racoleur certes. C’est aussi pour cela que je n’ai plus depuis longtemps de télévision chez moi et ce n’est pas ce genre de documentaire qui me réconciliera avec ce média.


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