voici ce qu’est réellement j-marie le pen.
En 1953, la Hollande est submergée par les eaux. Le Pen, qui est alors président de la Corpo de droit, fonde, avec l’aval du Président Auriol, un groupe universitaire de secours immédiat, et organise avec quarante volontaires une expédition pour aider les populations sinistrées. Son dessein est double : d’une part, engager les étudiants dans une œuvre charitable, d’autre part, montrer ce qu’est une véritable solidarité européenne, alors que les jeunes européistes de l’époque « prennent le thé en parlant de l’Europe ». Le groupe qu’il a fondé interviendra ensuite pour secourir les victimes d’un tremblement de terre en Italie.
Tout Le Pen est déjà là. Ni xénophobie, ni repliement nationaliste, ni égoïsme chauvin. Mais déjà le sens de l’initiative, pour aider ceux qui sont dans le malheur et délivrer en même temps un message fort.
A la même époque, il est au premier rang d’une manifestation pour réclamer une baisse de 50 % sur les transports parisiens pour les étudiants, qui ne peuvent faire face à la lourde augmentation qui vient d’être décrétée. Le Pen et ses amis sont matraqués devant le ministère des Transports. Mais ils tiennent bon, et vont finir par obtenir gain de cause.
Ainsi Le Pen était-il un ami de Mouloudji. Horresco referens : Mouloudji est l’homme qui a popularisé la chanson de Boris Vian Le déserteur. A un brave militant nationaliste interloqué par cette manifeste incongruité, Le Pen répondit tout tranquillement : « Cette chanson ne me gêne pas. Il faut d’abord remettre les mots à leur place. Il ne s’agit pas d’un déserteur, mais d’un réfractaire. C’est très différent. Et nous autres patriotes, nous sommes un peu antimilitaristes, non ? »
Au-delà de la boutade, il y a une doctrine précise, qui n’est ni celle des va-t’en guerre ni celle des pacifistes, mais la doctrine la plus traditionnelle de la guerre juste, comme il l’exprimait par exemple dans son discours à la fête des Bleu Blanc Rouge de 1990 :
La guerre n’est acceptable que pour défendre le sol sacré de la patrie, le territoire, les frontières de notre pays et de notre patrie, ses intérêts vitaux, c’est-à-dire ceux dont l’agression mettrait en péril sa survie elle-même, ainsi que, dans le cadre d’alliances défensives, l’intérêt vital de pays que nous avons juré de protéger.
Affirmons, au risque de choquer les matamores d’aujourd’hui [partisans de la guerre contre l’Irak], les rédactions et les couloirs des assemblées politiques, qu’en ce qui nous concerne, nous établissons la primauté de la négociation et de la paix sur la mobilisation et sur la guerre, ultima ratio régis, dernier moyen d’action possible.
En 1956, il abandonne son confortable siège à l’Assemblée nationale, où il commence à se faire connaître, pour participer à l’expédition de Suez. Il débarque à Port-Fouad avec le 1er REP. Lorsque les légionnaires pénètrent dans la ville, ils ne rencontrent guère de résistance. Les Anglais ont massivement bombardé les troupes égyptiennes mises en déroute par les Israéliens, et aussi de nombreux civils qui fuyaient les zones de combat. Il y a là de nombreux morts. Pour le lieutenant Le Pen, la première chose à faire est d’enterrer tous ces cadavres, déjà couverts de mouches. C’est une tâche très pénible. Les légionnaires obéissent, creusent des fosses. Mais ce n’est pas tout. Le Pen a connu en Indochine des soldats algériens et marocains : des musulmans. Il sait comment l’islam exige qu’on enterre les morts, et il exige que le rituel soit respecté : le cadavre doit être enveloppé dans un linceul, pieds nus, la tête vers La Mecque. Il faut trouver des draps. On en trouvera. Le Pen et ses hommes vont ainsi enterrer tous les morts.
Le lendemain, le général Massu invite à déjeuner sous sa tente quelques officiers, dont Le Pen. Il le félicite pour son initiative, qui a beaucoup impressionné les Egyptiens. Et il lui demande comment il a eu cette idée d’ensevelir les morts musulmans selon leurs rites. Réponse de Le Pen :
- Mon général, vous savez que je suis breton, et que chez nous on est très croyants. Aussi, j’ai naturellement pensé que les musulmans, qui sont, eux aussi, très préoccupés de respecter les prescriptions de leur Coran, devaient être enterrés convenablement...
- Eh bien, Le Pen, reprend Massu, à partir d’aujourd’hui, comme je tiens à ce que votre réputation reste bonne aux yeux des civils égyptiens, c’est vous qui enterrerez tous les morts de la division !
Quelques jours plus tard, des cadavres jetés dans le Canal commencèrent à remonter, dans un état épouvantable. Le lieutenant Le Pen et ses hommes les repêchèrent un à un, et les ensevelirent jusqu’au dernier.
Tel est le « racisme » de Le Pen. Un respect des morts, un respect des autres, ici des Arabes, de la religion des autres, ici l’islam, poussé jusqu’à l’héroïsme.
Cet épisode lui fera donner, dans l’armée, le surnom de Borniol (la célèbre entreprise de pompes funèbres). Un surnom qui le suivra jusqu’en Algérie, lorsqu’il quittera son siège de député, à nouveau, quelques semaines plus tard, pour aller défendre la France de là-bas contre le terrorisme FLN. Un surnom qui relève davantage du corps de garde que des félicitations académiques, certes, mais qui montre bien comment le geste de Le Pen avait frappé les esprits des parachutistes.
A l’Assemblée nationale, il avait déclaré : « Si vous ne faites pas l’Algérie française, vous aurez la France algérienne. » Faire l’Algérie française, c’était faire des musulmans algériens des citoyens à part entière. Le Pen ne se payait pas de mots : il poussa notamment deux de ses amis, Mourad Kaouah et Ahmed Djebbour, à se présenter aux élections. Mais on ne voulut pas faire l’Algérie française. On sait ce qu’il en est aujourd’hui, tant là-bas qu’ici...