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Commentaire de Wàng

sur Le pape contre la médecine


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Wàng 6 avril 2010 15:07

Je voudrais bien connaître votre analyse de ces réflexions, je reconnais que ne suis pas particulièrement féru de philosophie.

Pour faire simple et selon ma conception moyenâgeuse de la philosophie : la vérité, c’est tout ce qui est, l’être considéré en tant qu’il est capable de déterminer mon intelligence. La méthode philosophique au sens large, assumant parfaitement la méthode scientifique moderne, est une recherche de cette vérité qui n’accepte absolument aucun dogme, elle ne se fonde que sur l’expérience selon l’adage : rien de ce qui est dans l’intelligence qui ne fut d’abord dans les sens. La méthode du théologien, à l’inverse, c’est de fonctionner avec des dogmes. Bien sûr, le théologien croyant pense que les deux méthodes ne doivent pas aboutir à des contradictions, et le philosophe agnostique ou athée ne sera pas d’accord. Mais il faut tout de même admettre que fondée sur les dogmes il y a vraiment la place pour un travail authentique de la raison, car le seul but de la théologie c’est de rendre compte d’une matière intelligible de l’unité de l’ensemble et de la cohérence du contenu dogmatique. Sachant que le jugement sur sa vérité est de l’ordre du jugement de foi (inaccessible au philosophe), le philosophe ne peut constater que sa cohérence. Et que tous les concepts théologiques ne peuvent venir que de la philosophie, par le bas, car nous le théologien n’a d’expérience directe de ce qu’est Dieu ou les anges pour s’en former des concepts. Donc présuppose encore un travail de la raison. Pour le théologien, la science sacrée est bien une connaissance et celle-ci porte sur les objets les plus élevés, bien que le degré de certitude de son fondement soit épistémologiquement le plus faible : car en philo, l’argument d’autorité est le dernier.

Bref, pour le philosophe, la vérité vient de l’objet d’expérience, intelligible en puissance, alors que le croyant (et le théologien) s’en remet, dans certains cas particuliers (ce qu’est Dieu, sa vie, son projet, etc) à un dogme révélé, dans une attitude de confiance. Mais le croyant éclairé ne s’en remet pas au dogme pour n’importe quoi : héliocentrisme, médecine. Il y a des questions disputées au moyen âge, qui, bien que la révélation leur apportât une réponse ferme, étaient abordés dès cette époque comme relevant de la méthode philosophique et discutés comme tels (comme l’éternité du monde), et, qui sont toujours d’actualité aujourd’hui …

Pour le reste, un problème moral si l’humain vit au-delà des 120 ans, parce que la bible trouve que c’est une limite infranchissable ? J’imagine que le héliocentrisme fut un problème moral, aussi.

Ce n’est pas un problème d’infranchibilité, car je crois vraiment que le pape envisage cette hypothèse. Si c’est lui qui évoque le problème je pense que ce n’est pas un hasard mais que cela est dû à son approche de l’eschatologie, autrement dit, il est possible qu’il aborde le problème paisiblement (en théologien).

Par contre, la Bible parle bien de limite infranchissable au sujet de l’immortalité définitive sur terre. Mais je vous concède qu’elle ne se mouille pas beaucoup.

Je pense tout simplement que n’importe quelle croyance a affreusement peur de la science. En effet, toute découverte scientifique majeure remet irrémédiablement en cause les écrits sacrés. Aujourd’hui l’Humain s’attaque au decodage des informations contenus dans l’appareil reproductif de la cellule, à la façon dont sont codés les protéines dans l’ADN et à leur production à l’intérieur du ribosome. Du point de vue religieux, c’est le code divin. Du point de vue scientifique c’est un répliquant, une machine capable de construire une copie conforme d’elle-même, le rêve des nanosciences. Percer ce code, c’est comprendre la Vie.

Je ne pense pas. La vie, on peut l’aborder avec raison en posant que c’est avant tout de l’ingénierie : le problème n’est pas là. A la limite, avec les progrès des chercheurs, la science pourra admettre que le fait de poser une cause intelligente dans la matière organisée et animée (Aristote, Bergson), que cette cause soit immanente ou non, n’est pas quelque chose de si absurde que ça. Mais c’est un problème philosophico-scientifique (avec celui de l’un et du multiple, car l’âme est principe d’unité) et non avant tout religieux, du moins dans le corpus catholique il n’y a pas de dogme explicite sur l’apparition de la vie ou l’existence d’un dessein intelligent.

Le dogme dit autre chose : que la vie humaine, ce n’est pas que de l’ingénierie (car il y a l’âme spirituelle & immortelle), d’où l’interdiction de l’avortement (problème moral). L’aspect biologique et la cause de l’évolution, c’est la glaise rouge qui a été prise pour fabriquer l’homme et dont la nature et les processus sont du ressort de la science et du la philo. Le dogme dit qu’il y a une âme immatérielle (le souffle divin) créée pour chaque être humain. Bien que cette question a été aussi très discutée en philo.

Le changement du paradigme sera si violent que les religions risquent de perdre toute crédibilité. Les religieux le savent, et essaient de freiner ces recherches par des objections éthiques. Pouvoir modeler la Vie, c’est le monopole divin. Mais la morale, que fait-elle là dedans ? Vouloir percer le secret de la vie est-ce immoral ?

Non : les manipulations sur la vie animale ne seront pas dénoncées par les religieux ; car l’aspect technique ne les concerne pas directement. Leur domaine, c’est ce qu’on fait de cette technique en vue du salut : la fin des activités de l’homme en ce qui concerne la vie humaine seule.

Dans un regard théologique, on peut dire que les anges qui ne sont que des créatures sont parfaitement capables d’organiser et de modeler la vie (tout comme d’agir sur n’importe quelle loi régissant la matière). Il n’y a pas de monopole divin là dedans, même si je crois qu’il y a une partie très importante du vivant qui nous échappe encore complètement. Les philosophies orientales et leur anthropologie sur les corps subtils ont sans doute beaucoup à nous dire là dessus.

S’il y a condamnation par la parole venant des guides religieux, il portera sur le motif suivant : changer les gènes, c’est changer une partie de la nature humaine, en l’occurrence, l’homme a été placé sur terre comme voyageur et non pour s’y installer.

Bref, un vrai tremblement apocalyptique parmi d’autres certes , mais un tremblement apocalyptique majeur : le signe de  l’arbre de vie.

Avantage pour les progrès de la laïcité : les religions qui oseront dénoncer cela n’y survivront pas, il est plus que probable qu’elles seront dénoncées comme ennemies du bonheur terrestre, interdites et démantelées.

Faiblesse du système : comme le dit très justement Antoine, à quoi bon vivre 800 ans si la vie n’a pas de sens ; bref, on risque d’atteindre dans la pratique les limites d’une conception purement areligieuse de l’homme (humaniste et athée).

Même si ça permet de sauver des vies et alléger des souffrances ?

Sauver des vies, c’est un noble but mais ce n’est pas exactement faire naître des êtres humains qui ne seraient jamais nés le cas échéant.

Je me rappelle de l’histoire des premiers opérations du cœur. Avant on était persuadés dur comme fer que c’était impossible. On croyait que le cœur s’arrêterait dés que l’on le touchait.

Problème moral ?

Il faut montrer le lien qui existe entre le salut des personnes, et la manipulation du cœur. Dans ce contexte, ma conception est que le critère de vérité dans les opérations du cœur qui doit coïncider avec vérité sur l’homme, est purement pragmatique : est vrai ce qui réussit (puisqu’il s’agit de sauver la santé). De même qu’on ne discute pas de dogmatique morale en mécanique auto ou pêche à la ligne. Donc la morale religieuse n’a a priori rien à voir là dedans.


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