Lire cette lettre lue par Djemila Benhabib au Palais du Luxembourg, le vendredi 13 novembre, lors de la journée « Femmes debout », organisée par Femmes Solidaires et la Ligue du Droit International des Femmes.
Il s’agit d’une réfugiée, une exilée, et comme tant d’autres de ses « soeurs », elle exprime des idées et un courage qui sont dignes de la plus grande admiration : elles sont un exemple pour nous, démocrates, hommes et femmes.
Ecoutez-là, elle parle à notre représentation nationale (qu’elle me pardonne de tronquer son discours, car il faut tout lire). Elle évoque la solidarité et les devoirs que « nous », la France en particulier, avons vis-à-vis des femmes qui souffrent et se battent de par le monde, et notamment le monde musulman (mais pas seulement).
"Monsieur Gérin, c’est à vous que je m’adresse, je voudrais vous parler, vous dire la peur que j’ai connu le 25 mars 1994 alors que j’habitais à Oran, en Algérie et que le Groupe islamique armé (GIA) avait ordonné aux femmes de mon pays le port du voile islamique. Ce jour-là, j’ai marché la tête nue ainsi que des millions d’autres Algériennes. Nous avons défié la mort. Nous avons joué à cache-cache avec les sanguinaires du GIA et le souvenir de Katia Bengana, une jeune lycéenne âgée de 17 ans assassinée le 28 février 1994 à la sortie de son lycée planait sur nos têtes nues. Il y a des événements fondateurs dans une vie et qui donne une direction particulière au destin de tout un chacun. Celui-là, en est pour moi. Depuis ce jour-là, j’ai une aversion profonde pour tout ce qui est hidjab, voile, burqa, niqab, tchador, jilbab, khimar et compagnie. Or, aujourd’hui vous êtes à la tête d’une commission parlementaire chargée de se pencher sur le port du voile intégral en France.
… A propos de mémoire, de quoi la France devrait-elle se souvenir ? Quelle est porteuse des Lumières. Que des millions de femmes se nourrissent des écrits de Simone de Beauvoir dont le nom est indissociable de celui de Djamila Boupacha. C’est peu dire. Il ne fait aucun doute pour moi que la France est un grand pays et ceci vous confère des responsabilités et des devoirs envers nous tous, les petits. C’est d’ailleurs pour cela qu’aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers votre Commission et que nous attendons de vous à ce que vous fassiez preuve de courage et de responsabilité en interdisant le port de la burqa."