Quand les épiphénomènes font la loi :
PERPIGNAN.
Un groupe d’individus a défoncé la porte du domicile d’un
jeune couple dans la nuit de samedi à dimanche, les menaçant de mort. Le
mari leur avait demandé de calmer le défilé bruyant de leurs scooters
et leur avait jeté de l’eau.
L e problème, c’est l’impunité.
Beaucoup de gens continuent de subir et de garder le silence. Mais il
faut le dire pour que cela cesse même si ce n’est pas facile. Ceux qui
restent ont peur d’être victime de représailles, c’est logique."
Marc-Henri et Myriam Picard sont encore sous le choc. Pourtant, ce jeune
couple d’une trentaine d’années a choisi courageusement de raconter
l’agression dont il a été victime ce week-end, à son domicile de la rue
des Trois-Journées, au centre de Perpignan. "Pour dénoncer ce qu’il se
passe". Parce qu’ils ont le sentiment que cette histoire aurait pu mal
tourner pour eux, mais aussi et surtout, pour leur bébé de 8 mois.
Tout
commence samedi dans la soirée. Le couple est dans son appartement au
troisième étage et regarde une émission de télévision tandis que leur
petite fille dort. Une tranquillité toute relative perturbée par le
ballet des scooters qui "comme tous les vendredis et samedis soirs
passent à toute vitesse et font du raffut en bas sans discontinuer« .
»J’étais
un peu échaudé. Ma femme s’est fait accrocher par un de ces scooters
avec la poussette il y a un mois environ. La petite est tombée sur le
front. Au lieu de s’excuser, le gars a souri. Alors, samedi, je me suis
permis, en leur donnant poliment du monsieur, de lever un peu la voix et
de leur demander de se calmer". Mais, pour toute réponse, le jeune
homme, ancien sapeur-pompier de Paris, reçoit une bordée d’injures. Et
les jeunes passent leur chemin.
Or, vingt minutes plus tard, à
quasiment minuit, le défilé des deux roues, les klaxons et le gymkhana
ont repris de plus belle. Marc-Henri Picard se saisit d’une cruche posée
sur la table du salon et jette le fond d’eau qu’il reste par la
fenêtre. Les injures se font plus virulentes et tournent aux menaces de
mort.
"Immédiatement, ils se sont téléphonés et se sont rassemblés en
bas à une quinzaine", raconte encore le couple qui aussitôt a fermé sa
fenêtre, prostré par la peur dans son appartement sans plus dire un mot.
"Dans
la minute qui a suivi, on les a entendus grimper l’escalier. On a
entendu des bris de verre, des choses jetées contre les murs. Ma femme a
eu le réflexe de fermer le verrou de la porte d’entrée et d’aller se
réfugier avec la petite dans les toilettes pour prévenir la police. Moi,
je suis resté derrière la porte avec ma petite bombe lacrymogène. Ils
étaient comme fous, j’entendais des hurlements, ils nous menaçaient de
nous tuer et de violer ma femme et donnaient des grands coups dans la
porte. Petit à petit, le mur se fendait et la porte se dégondait. Ça n’a
pas duré longtemps mais je me suis dit, ça y est c’est la mort qui
arrive." Evacués par la fenêtre Myriam, terrorisée, réussit à contacter
les policiers de la brigade anti-criminalité. En quelques minutes, ils
sont sur les lieux et mettent en fuite le groupe de jeunes agglutinés
devant l’immeuble. "Trente secondes après, c’était trop tard. La porte
aurait cédé et on ne s’en serait pas sorti". Sauvés in extremis, les
jeunes gens ne sont toutefois pas au bout de leur peine. La porte a
enduré de tels dommages, qu’ils sont bloqués à l’intérieur. Les pompiers
sont alors appelés en renfort et les évacuent, avec leur nourrisson,
par la fenêtre de leur appartement. " La petite n’a pas dormi de la
nuit. Elle n’a fait que pleurer. On a appelé une amie pour qu’elle la
garde et on est allé au commissariat dans la nuit déposer une plainte".
Entretemps,
les services de police ont interpellé un suspect à hauteur de la place
de la République. Agé de 15 ans, il a été placé en garde à vue. Il nie
toute participation aux faits et, selon la loi de protection des
mineurs, a été remis à sa mère en attendant les suites de l’enquête. Il
pourrait toutefois être poursuivi pour "dégradations volontaires de
biens privés en réunion et menaces de mort« .
» On se sent en danger.
Comme c’est prévu dans notre assurance, on fait venir un vigile la nuit
pour surveiller notre appartement, pour pouvoir dormir. Mais on ne peut
pas vivre comme ça. On va partir. On pensait s’en aller parce que l’on
n’a pas de travail mais pas aussi vite. Là, on a commencé à faire les
cartons. C’est fou, mais c’est à nous de partir parce que notre enfant a
été mise en péril".
Source midi libre