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Commentaire de François-Ferdinand De la Friche en Souche

sur La stratégie du choc


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Il me semble que notre cher ami Lucilio en plus de sa tendance manifeste à la simplification (et cela avec un talent comique certain) soit aussi quelque peu lent : il me semble bien que ce livre ait quelques années déjà.

 

Alors oui en effet, on peut reprocher quelques raccourcis et prise de liberté avec tel ou tel concept à N. Klein mais son livre ou plutôt essai et non roman (ah quel marrant ce Lucilio) devrait intéresser autant notre cher auteur qu’il soit libéral ou libertarien n’ayant pas d’importance, car la situation actuelle en dépit des caricatures des uns et des autres ne nous confronte ni à un système libéral ni au retour de l’état omnipotent mais à un système autant bâtard qu’hybride piochant ici et là ce qui le renforce et cela dans un processus d’élaboration d’une société autant élitiste que totalitaire : un totalitarisme d’un genre nouveau puisque à la fois global mais aussi réellement total car supporté par un Contrôle cette fois devenu vertical et total dont les régimes totalitaires du passé ne furent que de timides et somme toute archaïques prémisses.

 

Donc quelque soit la tendance, il ne sert à rien de rejeter ce livre et les arguments qui y sont développés car la devise du système à venir ne sera pas plus Don’t tread on me qu’un couplet de l’Internationale.

 

Alors pour en revenir à la stratégie du choc : petit rappel : si votre but est l’élaboration de cette société élitiste et totalitaire ou que celle-ci ne soit que l’évolution mécanique naturelle du système actuelle tendant à réduire l’humain à simple dimension économique ou utilitaire est bien proverbe aussi vieux que vrai : La fin justifie toujours les moyens. 

 

De là, le Contrôle en tant qu’instrument politique utilisera alors des techniques coercitives psychologiques dans un but de conditionnement et endoctrinement des sujets : soit VOUS, moi et tous les autres. Explication toute simple : si vous parvenez à manipuler une personne de telle sorte qu’elle se comporte comme vous le souhaitez, et bien vous pouvez conduire cette personne à croire ce que vous voulez.

 

Bien entendu, cela nécessitera auparavant diverses méthodes de contrôle des esprits : propagande, conditionnement, formatage, management de la perception, captation de l’attention, destruction de l’individualité,etc…ces techniques donc relevant du contrôle social ont été sans cesse améliorées (notamment depuis la Guerre de Corée) en s’inspirant notamment de l’observation des systèmes de contrôle dans les groupes type sectes : les techniques principales étant la méta-communication (soit l’implantation de messages subliminaux par mots-clés (ou séquences) stressants, création de la confusion dans les explications…), la régression, l’usage de la pression de groupe ou bien encore l’isolement.

 

L’objectif étant : 1) réduction du niveau d’alerte, 2) la confusion programmée, ceci tout en «  flattant » l’esprit ou plutôt l’ego : on aboutira ainsi à un conflit intérieur : la topique chtonienne de la psyché contredisant la topique consciente avec pour conséquences souhaitées : réduction de la pensée ordinaire au silence, déstructuration de cette pensée, et donc suspension du jugement, par conséquent neutralisation des réactions possibles.

maintenant sur l’atout évident de la thérapie de choc réside dans ce constat : la création de l’anxiété et de la peur induit des états de haute suggestibilité  : états qui permettent de contrôler les relations et donc de s’assurer et la loyauté et l’obéissance : technique classique et éprouvée en management du corps social.

 

Exemples : désensibilisation à travers l’abus de langage ou cette fameuse pensée unique/novlangue, la propagande et l’information poubelle ou l’information ambiguë, de même que l’élimination des idées individuelles par la répétition de slogans, prêt-à-penser,etc…tout cela supporté par le Conditionnement via anti-culture de Contrôle soit l’Economie de l’Entertainement :  supportant l’incitation à la dépendance par les jeux du cirque post-moderne : sports, jeux ou shows TV aux règles autant absurdes qu’obscures, captant l’attention et donc neutralisation la pensée ou le jugement bien souvent.

En conséquence nous aurons : accroissement de la sensibilité à la stimulation émotionnelle entraînant un phénomène de désorientation presque chronique, renforcé par nombre de privations affectant le système nerveux engendrées par la généralisation de la junk food, le prolongement de l’activité physique (culte du corps) et mentale (captation de l’attention) et la diminution du temps de repos et de sommeil (profusion d’excitants ou stimulants).

 

Ces diverses stratégies d’influence et de contrôle incluent aussi la suppression de l’individualité  : par la soumission à des codes et l’acceptation automatique de croyances ou modèles de pensée propagées par le Conditionnement de masse, ce qui induira généralement le découragement face à toute possibilité de questionnement.

 

La perte de la faculté quant à l’évaluation logique de l’information sera obtenue par la destruction de l’intimité (culte de la Transparence et réciproquement d’un voyeurisme exacerbé) ; la destruction de l’individualité elle sera encore plus accrue par la confession des faiblesses personnelles (Psy-culture), création d’un sens faussé de l’identité par adoption de comportements/conduites induites et pré-définies par l’Intelligence de contrôle.


D’autres méthodes inclueront la composition d’une obéissance de type puérile en orchestrant comportement enfantin et désinhibition : le Moi-je tout puissant, autant capricieux qu’individualiste à l’extrême produit par cette société du désirisme fanatique, on induira aussi et régression et désorientation par sollicitation de l’acceptation de règles régulatrices de style de vie apparemment simples ; la promotion de l’acceptation de l’autorité s’effectuera sous couvert de promesses d’avancement et de pouvoir (le fameux mérite sarkozien), tout en maintenant la confusion en récompensant et en punissant alternativement des actions similaires (méthode classique de management social ou non). On peut évoquer aussi l’encouragement à l’enfermement ou autisme volontaire par relation purement virtuelle avec l’Autre et à la passivité par des pertes induites de réalité en séparant vie commune et références rationnelles : le spectacle offert par l’Ecran global et ses divers avatars parsemant notre quotidien est en effet conçu pour donner l’illusion de la sociabilité, de l’interaction et du choix ou libre-arbitre.

 

Mis bout à bout tous ces éléments permettent la constitution et le maintien d’un continuum coercitif et persuasif.

 

Pour être plus clair : la persuasion coercitive est synonyme de réforme de la pensée : soit un système coordonné d’influence coercitive et de contrôle du comportement conçu pour manipuler et tromper et donc contrôler les individus.

 

La réforme de la pensée sera donc définie dés lors comme un changement de croyance dans l’adaptation à une situation. Techniques et méthodes (liste non exhaustive) : attaque psychologique et interpersonnelle afin de troubler la notion d’identité personnelle, utilisation d’un groupe de paire organisé et donc pression interpersonnelle, rehaussant la valeur de la conformité,etc…bref tout un panel de méthodes ayant pour but la manipulation de la totalité de l’environnement social du sujet, avec pour finalité la stabilisation des modifications du comportement donc pensée réformée.

Au niveau social et non individuel : cela se caractérisera par le contrôle de la communication, la manipulation émotionnelle et comportementale ; la conformité au comportement dérivé de telle ou telle doctrine ; les sollicitations d’aveux, confession,etc… ; l’approbation inconditionnelle des dogmes et de l’idéologie, la manipulation du langage par les clichés, slogans, sophismes, amalgames, etc… ; et enfin réinterprétation de l’émotion et de l’expérience humaine selon la doctrine en vigueur : bref modification des perceptions et représentations : négation du rapport individuel au Monde, à Soi, à l’Autre, au Réel par substitution de l’Expérience individuelle par le Conditionnement global.  

 

La stratégie essentielle utilisée sera de sélectionner systématiquement une séquence particulière et de coordonner en continu les nombreuses tactiques de persuasion coercitive sur des périodes étendues dans le temps. Ces méthodes de réforme de la pensée sont sophistiquées et subtiles, supportées par la création d’un attachement psychologique de type addictif bien plus puissant que l’usage de la menace.

 

La déstabilisation psychologique réussie produira un déplacement négatif dans les évaluations globales de soi et augmentera l’incertitude sur les valeurs et positions individuelles. Elle réduira ainsi la résistance aux demandes d’objectivité tout en accroissant la suggestibilité. La persuasion coercitive est appliquée selon un modèle en trois phases : 1) période de déstabilisation 2) phase de changement 3) consolidation de la  la pensée réformée.

Une application réussie de  ce modèles en phases et séquences de réforme créera une vulnérabilité psychologique chez le sujet, par intériorisation complète : cette pensée réformée étant conçue dés lors comme sa propre pensée et non résultant d’une manipulation extérieure : ainsi on obtiendra au gré approbation de telle ou telle mesure politique, réaction souhaitée, confession ou aveu lors d’un interrogatoire même sans culpabilité, etc…

 

La stratégie du choc développée dans l’essai de N. Klein n’étant que l’application à l’échelle de populations entières de ce type de méthodes ayant prouvé leur efficacité que ce soit à l’échelle individuelle ou de groupes réduits.

 


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