"Cependant, depuis quelques mois, voire une année, des symptômes
importants d’une détérioration de la situation économique française ont
fait leur apparition. Le nombre de chômeurs s’accroît régulièrement :
début 1968, ils sont déjà près de 500 000. Les jeunes se trouvaient les premiers touchés et en 1967, le gouvernement doit créer l’ANPE. La grande grève des mineurs de 1963 a signalé le malaise d’un monde de la mine
qui vit ses dernières années avant le début d’une crise fatale. Un
nombre important de grèves se tiennent aussi entre 1966 et 1967, en
région parisienne comme en province. Deux millions de travailleurs sont
payés au SMIG et se sentent exclus de la prospérité, dont beaucoup d’OS
des usines, de femmes ou de travailleurs immigrés. Les salaires réels
commencent à baisser et les travailleurs s’inquiètent pour leurs
conditions de travail. Les syndicats s’opposent ainsi aux ordonnances
de 1967 sur la Sécurité sociale. Des bidonvilles existent encore, dont le plus célèbre est celui de Nanterre, directement sous les yeux des étudiants."
Des grèves et occupations d’usine spontanées se multiplient donc jusqu’à la mi-mai. La première a lieu à l’usine Sud-Aviation Bouguenais
(44) le 14 mai avec 2682 salariés. Le 22 mai, 10 millions de salariés
ne travaillent pas (en grève ou empêchés de travailler). Les syndicats
débordés dans le déclenchement de cette grève surprise reprennent petit
à petit la tête du mouvement. L’acceptation par les « grèvistes
sauvages » de l’autorité de leurs syndicats de tutelle va immobiliser
la grève dans une situation de statu-quo qui va perdurer jusqu’au 30
mai. De la sorte, Les portes des usines se referment devant les
manifestations des étudiants venus défiler à Billancourt, au grand dam
des « gauchistes » qui rêvent d’une union sacrée entre intellectuels et
ouvriers. Mais les ouvriers eux-mêmes se méfient de ces étudiants
gauchistes qu’ils identifient à la classe montante de leurs dirigeants
actuels. Cependant, les syndicats, par cette action, n’isolent pas
seulement les ouvriers des influences « petite-bourgeoises » des
étudiants mais aussi des autres travailleurs d’autres entreprises et
empêchent, de la sorte, qu’ils se reconnaissent ainsi des intérêts
communs dans cette lutte. Quoi qu’il en soit, leurs revendications du
moment ne peuvent en aucun cas être alignés sur Les revendications
typiques des grèves classiques lancées par la C.G.T ou la C.F.D.T.
Certaines restent, certes, traditionnelles par certains côtés
(augmentation des salaires, meilleures conditions de travail) mais
d’autres sont nouvelles : Il s’agit en effet de revendications
qualitatives (pour plus d’autonomie, responsabilité du salarié, forme
de cogestion des entreprises, etc.).
Y AVAIT QUE DES BOBOS ?