Vous tombez avec un peu trop de volupté dans la posture de Zola défendant Dreyfus ou Voltaire défendant Calas. Las, en laissant de côté votre goût pour les calembours douteux, qui nuit à votre propos, les diatribes de ces illustres auteurs s’appuyaient sur une enquête minutieuse et un décorticage des vices du dossier. Vous avez, par facilité, sauté directement à la case diatribe.
La lecture de l’arrêt du 14 décembre, dont je crains que vous vous soyez dispensé, vous aurait pourtant fourni de la matière. Il est redoutablement bien rédigé et de nature à secourer les convictions même les plus ancrées. Et surtout, il répond à toutes vos objections.
Ainsi, laissons le peuple tranquille, même si nous en faison partie, ni vous ni moi n’avons qualité pour parler en son nom. Bas les masques, et parlons en nos noms propres.
Vous dites : assez de souffrances. Du calme. Cette condamnation remonte à plus de 80 ans, les protagonistes sont tous morts depuis longtemps. Les souffrances qui demeurent sont celles auto-infligées par ceux qui n’ont pas vécu cette affaire mais l’ont reprise, bon gré, mal gré, à leur compte.
Vous dites : le peuple veut que la loi soit appliquée. Et elle l’a été. La loi n’ayant pas dit « Seznec était innocent » mais, comme vous le rappelez, que vienne à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné. Quand on sait que cette loi date de 1989 et a été baptisée loi Seznec, vous voyez que le législateur a tout fait pour faciliter la besogne des héritiers de Seznec. Mais la cour de cassation a pris la peine, en 42 pages, soit un peu plus de mots que les vôtres, de démontrer qu’aucun fait nouveau de nature à faire naître des doutes sur la culpabilité de Seznec n’était apporté.
Vous invoquez même la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Je vous rends cet hommage, vous n’avez peur de rien. Les conseillers à la cour de cassation la connaissent sans nul doute mieux que vous. Mais la présomption d’innocence de Seznec a pris fin le 4 novembre 1924 quand la cour d’assises du Finistère a déclaré Seznec coupable, après huit jours de procès et entendu 124 témoins. Combien de temps avez vous consacré à votre enquête ? Le temps de rédiger cet article ? Comme le dit le texte de loi que vous citez sans manifestement bien le comprendre, il faut apporter la preuve de faits faisant naître un doute sur la culpabilité.
Ainsi, le fait que le corps n’a jamais été retrouvé. Quel insulte vous faites à la mémoire du grand Vincent de Moro Giafferi, défenseur de Seznec, d’insinuer qu’il aurait oublié de mentionner ce détail aux jurés de Brest en 1924 ! Figurez vous que cet argument a été central dans la défense de Seznec, qui suggérait qu’il avait fui aux Amériques, liquidant ses biens, comme ce manoir de Plourivo cédé à vil prix (35000 francs qui correspondent peu ou prou à 35000 euros pour un manoir et un terrin immense) qui fournissait à l’accusation le mobile. Alors quoi ? Pas de corps, pas de crime ? Mais alors, révisons les condamnatiosn de Landru et Petiot ! Et s’il n’est pas mort,qu’est-il devenu, Quémeneur, qui n’a jamais donné signe de vie dans les 82 ans qui ont suivi, y compris à la nouvelle que son cher ami Seznec était jugé pour son meurtre ?
Vous dites que le mobile a été créé de toutes pièces. C’est une pure affirmation de votre part, contredite par les faits. Le mobile retenu, les promesses de vente falsifiées, ont été tapées sur la même machine, retrouvée chez Seznec. Machination policière, disent les héritiers ? Mais alors, pourquoi Seznec a-t-il spontanément sorti de sa poche le deuxième exemplaire qu’il avait sur lui lorsqu’il était interrogé par la gendarmerie ? Il n’a jamais prétendu que cette promesse avait été fabriquée par la police. Connaîtriez vous mieux la vérité que Seznec lui même ?
Quant à Bonny, il a été fusillé pour collaboration en 1944, à 48 ans. Cela jette-t-il la suspicion sur la procédure à laquelle il n’a participé que comme stagiaire vingt ans plus tôt, où il n’a rédigé que cinq procès verbaux sur plusieurs centaines, et encore sous la direction des titulaires ? je sais que le mal n’attend pas le nombre des années, mais commencer le travail de la Gestapo à l’heure où Mein Kampf n’était même pas encore écrit, c’est plus que du vice, c’est de la thaumaturgie.
Ces aveux de Bonny, d’ailleurs, qui vous paraissent tout à fait digne de foi quand bien même vous qualifiez leur auteur « d’homme infâme », savez vous quand ils ont été passés ? La veille de son exécution. Ne croyez vous pas qu’un être si immoral n’aurait pas hésité à mentir pour tenter de sauver sa peau, son témoignage nécessaire pour la réhabilitation de Seznec faisant obstacle à son éxécution ? Ou alors votre menteur de 28 ans devient-il à 48 ans un parangon de vertu, touché par la grâce de la vérité, après quatre ans de collaboration ? Dans ce cas, cette année a été propice aux rédemption, puisque François le Her, un autre collaborateur, persuadé qu’il sera fusillé, s’accusera du meurtre de Quémeneur dans les mêmes conditions. Que lui arrivera-t-il ? Il ne sera pas fusillé, mais épousera... Jeanne Seznec, fille de Guillaume, qui espère ainsi obtenir des preuves de l’innocence de Guillaume, quitte à en faire le gendre de celui qu’il aurait fait accuser à tort. Il s’agit du père de Denis Seznec, celui là même qui sera tué par son épouse en 1948. Vous voyez que l’histoire n’est pas toute blanche.
Je vous invite donc à abandonner votre pose de sycophante et à lire l’arrêt rendu par la cour de cassation statuant en cour de révision. Lisez le avec un oeil critique, c’est entendu, mais voyez si la cour a effectivement statué absurdement sans répliquer aux arguments. http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_publications_documentation_2/ac tualite_jurisprudence_21/chambre_criminelle_578/arrets_579/br_arret_97 10.html
Peu de gens sortent de cette passionnante lecture avec la même conviction en l’innocence de Seznec. Ce que c’est que la force de l’argumentation ,par rapport à celle de l’accusation vertueuse...
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