La France embrigaderait de jeunes
chercheuses pour jouer les espions
TÉMOIGNAGE PARU DANS 24H.CH
Après l’affaire Clotilde Reiss,
une étudiante dénonce
« l’irresponsabilité » des
diplomates français. A elle
aussi, l’un d’eux avait
demandé de « rédiger des
notes » dans un pays chaud.
C’est un démenti catégorique.
Non, Clotilde Reiss n’a jamais été
une espionne. La jeune Française,
libérée dimanche après
d’intenses tractations entre Paris
et Téhéran, nie avoir travaillé
pour le renseignement français.
Une jeune chercheuse – appelons
la Laetitia – doute pourtant de la
bonne foi de cette simple lectrice
de l’Université d’Ispahan, retenue
dix mois pour atteinte à la sûreté
de l’Etat.
Car dans son pays de recherche,
une nation exotique en
pleine guerre civile, Laetitia a elle
aussi été approchée par les services
secrets. C’était il y a plusieurs
mois. Bénévolement, elle devait
fournir des informations sensibles
à des « employés » de l’ambassade
de France, sous forme de
notes, sur les conflits interethniques
et politiques qu’elle couvrait.
Pression
L’IFRI, l’Institut français de recherche
en Iran, pour lequel travaillait
Clotilde Reiss, a toujours
dépendu directement du gouvernement
français, comme l’ensemble
du réseau des Instituts français
de recherche à l’étranger.
Selon Laetitia, ce réseau servirait
de vivier d’informations au renseignement.
Au grand dam de la
communauté scientifique, qui
craint pour son indépendance et
sa crédibilité aux yeux des autorités
et des populations locales.
« A Paris, on presse les agents
des ambassades pour avoir un
maximum d’informations, ce qui
conduit à des dérives », juge Laetitia.
« Ces derniers sont poussés
àmanipuler cyniquement les jeunes
chercheurs. Depuis le 11 septembre
2001, ils ont du mal à
percevoir certaines réalités de
terrain et se servent de nous. Ils
savent aussi que si nous sommes
accusés d’espionnage, il leur sera
facile de nous faire passer pour
de naïves oies blanches, prises en
otage par des gouvernements paranoïaques.
Nous sommes de la
chair à pâté. Or ce qu’a fait Clotilde
Reiss n’est pas anodin. Si
elle a rédigé une note sur la
politique intérieure ou la prolifération
nucléaire en Iran, elle a
commis un acte d’ingérence dans
les affaires intérieures d’un pays
tiers. »
Le mutisme de Clotilde Reiss
n’a pas surpris Laetitia. « Si elle
parle, prédit la jeune fille, sa
carrière sera brisée. »
BLAISE GAUQUELIN VIENNE