Ratonnades à ParisPour ne pas oublier le 17 octobre
1961... Cette nuit-là, en plein Paris, des dizaines de manifestants
pacifiques du FLN sont massacrés par la police du préfet Papon. Leur
nombre reste à l’heure actuelle toujours sous-estimé. Paulette Péju,
alors journaliste à
Libération, mène son enquête quelques
semaines après, articles de journaux et témoignages à l’appui. Tortures,
exactions, insultes, le tableau de cette nuit sanglante est édifiant.
Publié par les éditions François Maspero, l’ouvrage, précédé d’une autre
étude consacrée à l’instrumentalisation des Harkis par les forces de
police, est immédiatement saisi chez l’imprimeur par la Police
judiciaire.
Jamais réédités, augmentés d’une présentation de
l’historien Pierre Vidal-Naquet et d’une postface de François Maspero,
illustrés par les terribles photos d’Elie Kagan, les témoignages
bouleversants de Ratonnades à Paris exhument de l’oubli les pages
les plus sombres de la Ve République. En accomplissant ce devoir de
mémoire, cet ouvrage constitue le complément indispensable à La
Bataille de Paris, de Jean-Luc Einaudi. —Sylvain Lefort
Urbuz.com
Presque quarante ans après la fin de la guerre d’Algérie, reparaissent
deux enquêtes journalistiques menées par Paulette Péju en 1961. Au
moment où l’on commence à peine à oser utiliser le terme de torture pour
qualifier le comportement de certains militaires français, la réédition
de ces ouvrages vient éclairer un autre versant de l’horreur de ce
conflit armé : la répression subie par la communauté maghrébine en
France. Répression sanglante et d’autant plus incompréhensible qu’en mai
1961 avaient débuté les négociations d’Évian entre la France et le FLN.
Écrits
dans l’urgence, ces précieux témoignages furent publiés à l’époque par
les éditions François Maspero mais immédiatement saisis par arrêté du
ministre de l’Intérieur, Roger Frey (sans d’ailleurs qu’aucun procès ne
suive cette douteuse opération de police comme il était de coutume aux
temps de la censure). Restés introuvables depuis, leur réédition
constitue un nouveau pas vers la reconstitution historique de cet
événement majeur que constitue la guerre d’indépendance algérienne.
Le
propos de Paulette Péju n’est pas littéraire mais de l’ordre de
l’investigation journalistique. Aussi, le travail mené dans ces deux
ouvrages est-il la constitution de dossiers via l’accumulation de
documents de tous ordres. « Harkis à Paris » regroupe les témoignages de
dizaines de victimes des forces supplétives de la police de Papon, les
harkis, dont beaucoup étaient recrutés parmi les Algériens. Militante,
Paulette Péju récupéra ces plaintes auprès des avocats du FLN.
Ratonnades
à Paris quant à lui, s’intéresse à la répression subie par les
manifestants de la grande marche pacifique du 17 octobre 1961. Organisée
pour protester contre les conditions de vie imposées aux Maghrébins,
cette manifestation connut un tragique dénouement. Lors de cette nuit du
17 octobre, des dizaines d’Algériens (aujourd’hui encore, le chiffre
n’est pas établi avec certitude) furent jetés à la Seine par la police
de Maurice Papon. Sont confrontés des articles de presse dénonçant les
faits et de douloureux témoignages de rescapés ainsi que les plaintes
déposées.
Essentiels pour reconstituer la vérité historique, la
parution de ces deux ouvrages - que les éditions de La Découverte ont
décidé de réunir en un seul volume -, constituent un événement. Si la
passion étreint souvent les propos de Paulette Péju qui, par ailleurs,
ne cache pas ses motivations, il n’en reste pas moins que leur lecture
s’avère souvent accablante pour les représentants de l’État français. A
quelques mois du quarantième anniversaire d’octobre 61, il est urgent
qu’un travail d’historien soit mené sur cette époque encore si trouble.
— Isabelle Yaouanc—