Me considérant comme un grand
garçon, je ne vois pas en quoi un Etat disposerait du droit à me contraindre
pour peu que je ne veuille pas le mal de mon innocent voisin.
Mais lorsque cet Etat est dirigé
par une personne bonne et pour l’intérêt général, comme ce fut le cas avec de
Gaulle, alors l’Etat peut être une bonne chose pour le plus grand nombre. Mais
le plus grand nombre ne fait pas l’unanimité aussi, même un système étatiste
parfait nuira à un certain nombre d’intérêts et d’aspirations individuels
légitimes.
En revanche, comme c’est la règle,
l’Etat est dirigé par des incompétents qui n’ont cure de l’intérêt général. Le
système politique oblige ces gens à mentir, tricher, voler et tout faire pour
écarter les concurrents afin de parvenir au pouvoir suprême. Je ne comprends
donc pas comment les Etatistes puissent vouloir un Etat fort et de l’autre côté
critiquer Sarkozy qui impose ses vues personnelles à tous via les instruments
de l’Etat.
Voilà pourquoi les doctrines
libérales sont-elles séduisantes en ce qu’elles promettent à chacun de vivre
ses aspirations, non plus les rêver, pour peu que chacun dispose des
compétences, connaissances et déploie l’énergie nécessaire pour y parvenir. La
contrainte étatique s’effacerait alors pour que l’individu s’épanouisse.
Cependant, toutes les doctrines
libérales sont antérieures au savoir dont on dispose désormais sur le
fonctionnement de l’être humain.
Effectivement, à supposer que
dans un monde parfait, nous bénéficiions des atouts de manière égale, chacun de
nos actes est le fruit d’une décision. Or, contrairement à ce que l’on croit, on
ne prend pas des décisions en fonction des informations disponibles, de manière
logique. Donc, même dans un monde parfait, où chacun aurait accès à une
information vraie en même temps, l’interaction avec cette information (donc la
décision) serait imparfaite et illogique.
Toute information parcourt
effectivement sous forme de signal bio-électro-chimique dans les neurones le
cortex qui abrite les fonctions supérieures qui nous permettent de décider
consciemment, mais aussi le système limbique, siège des émotions. L’amygdale et
l’hippocampe (pour n’énoncer que ce dont chacun a entendu parler), deux
éléments fondamentaux du système limbique, jouent un rôle primordial dans la
prise de décisions. Au final, c’est l’émotion, non pas la cognition qui préside
à nos décisions.
Cela explique que nous sommes
capables de donner notre vie individuelle pour quelqu’un ou pour une cause. Cela
explique que l’on peut être un grand homme politique et tomber pour une banale
histoire de fesse. Cela explique que l’on préfère manger un bon repas qui nous
laissera sur notre faim plutôt qu’un repas médiocre qui nous rassasiera.
De plus, lorsqu’on sait que les
adolescents connaissent une période où ils perdent en peu de temps plusieurs
millions de neurones – ce qui explique leur comportement étrange parce que les
connexions doivent se réorganiser – on se demande comment ils peuvent être
reconnus comme responsables de leurs actes confus et incertains.
D’ailleurs, parce qu’une décision
est présidée par les émotions, un adulte est-il lui-même responsable ? La
responsabilité individuelle est en tout cas extrêmement limitée. Même dans un
monde parfait. Il appartient donc au groupe de compenser les carences
individuelles.
Sur un plan psychologique et
neurobiologique, qui sont quand même le fondement de l’Homme (l’économie n’est
qu’un construit), les doctrines libérales qui reposent sur la responsabilité
individuelle ont tout faux. Même dans un monde parfait. Et je n’ai même pas
parlé de la psychologie de la motivation !
L’individu est si faible que
lorsqu’il va jouer à la roulette, il misera sur le noir lorsque le rouge est
tombé 50 fois de suite. Il ne pensera pas que le noir peut tomber 51 fois de
suite, et plus tard, le rouge aussi. Ca paraissait pourtant logique et
intelligent de miser sur le noir. Eh bien non !
Le libéralisme parle de la
liberté individuelle en la définissant comme franchise. Etre libre, chez les
libéraux, c’est être affranchi, libéré des contraintes. Or la liberté
individuelle revêt bien d’autres aspects. D’ailleurs, elle n’est que partielle,
parce que nous subissons quantité de contraintes naturelles (le temps qu’il
fait, le temps qui passe, les lois de la physique et du vivant…) qui nous empêchent
d’être libres. Zen, tu sais de qui c’est non ? De l’autre côté, la
contrainte peut nous donner une liberté plus grande. Par exemple, l’homme qui
accède aux contraintes éducatives sera plus savant et plus libre. Mais le
savoir est aussi une prison. Dur de s’y retrouver non ?
Bon, je m’amuse mais il faut
conclure. Autant on ne peut pas caricaturer la pensée libérale qui comporte
beaucoup de bonnes choses, autant on ne peut pas non plus renier les apports de
la pensée étatiste.
Il faut revenir à la nature
humaine car l’Homme est à la fois un être individuel et un être collectif. L’économie
et le politique, qui sont des systèmes d’échange, doivent prendre compte de ces
impératifs qui s’imposent à tous. On ne peut donc nier l’individualité de l’Homme,
ni sa collectivité.
Pour ma part, je me définis comme
un libéral éclairé. Je suis pour une liberté individuelle élargie, une Etat
beaucoup plus réduit qu’aujourd’hui, et une récompense spécifique pour les
individus les plus méritants, soit parce qu’ils travaillent plus, sont plus
intelligents, ou pour d’autres motifs encore. Mais cette récompense doit être
limitée. Sinon la situation d’oligopole vient vite, et des individus acquièrent
une puissance qui nuit à la concurrence et aux autres individus. La société ne
se renouvelle plus et alors sombre.
Effectivement, reprocher la toute
puissance de l’Etat c’est condamner l’hégémonie. Or, les hyperfortunes (Buffet,
Soros, Gates, Pinault, etc.) sont hégémoniques. Les grandes entreprises sont
hégémoniques.
Toute puissance doit donc être
limitée au nom de l’intérêt supérieur. Et maintenant je vais me coucher parce
qu’il est bien tard.
Et surtout ne pas oublier :
tout homme mérite de vivre une vie digne et humaine. Aucune règle, aucune loi,
aucun système économique ne devrait empêcher cela.