Ce lundi 21 juin, jour de la fête de la musique - celle-ci grince plutôt à nos oreilles - Mediapart a mis en ligne, audible par tous, une copie de l’enregistrement des fameuses conversations entre le chef d’orchestre financier de madame Bettencourt et madame. Cette conversation date du 4 mars 2010. La voici ci-dessous (Médiapart) :
En voici la transcription - on peut supposer sans grands risques de se tromper que madame Bettencourt signe des chèques (les prépare ?) en écoutant cet enregistrement et en tenant compte des paroles, des arrêts, des questions et des réponses - :
Le gestionnaire :
Valérie Pécresse c’est la ministre de l’ens… de la recherche
Madame B :
inaudible
Le gestionnaire :
elle fait la campagne pour être présidente de Paris. Elle va perdre
Madame B :
elle va perdre
Le gestionnaire :
mais il faut que vous la souteniez
Madame B :
oui
Le gestionnaire :
et c’est des sommes très mineures
Madame B :
inaudible
Le gestionnaire :
c’est des petites sommes
Madame B :
oui
Le gestionnaire :
elle va perdre mais il faut quand même qu’on montre que vous la soute…
Madame B :
pourquoi elle va perdre ?
Le gestionnaire :
soupir j’sais pas.
Madame B :
il faut lui montrer (peu audible approximatif)
Le gestionnaire :
il faut quand même lui montrer votre soutien. Le deuxième c’est le ministre du budget
Madame B :
ça me dit quelque chose
Le gestionnaire :
oui c’est le ministre du budget
Madame B :
c’est ça
Le gestionnaire :
il faut aussi l’aider. Le troisième c’est Nicolas Sarkozy.
Madame B :
(?) je fais pour Pécresse
Le gestionnaire :
voilà et c’est ce n’est pas cher
bruits de fond (madame B doit regarder le dossier et commencer à signer)
Le gestionnaire :
alors
Madame B :
(?) cette somme-là
Le gestionnaire :
c’est le maximum légal.
bruits de fond (elle signe vraisemblablement)
Voilà. Voyez c’est 7 500 (il doit lui montrer le montant du chèque). C’est pas très cher.
le temps s’écoule (elle signe).
Vous savez en ce moment il faut qu’on ait des amis.
le temps s’écoule
Bon ça c’est euh Valérie Pécresse.
le temps s’écoule. On entend semble-il des pages tourner.
Ca c’est Valérie Pécresse (plus bas)
le temps s’écoule
Ca c’est Eric Woerth
Madame B :
c’est qui ?
Le gestionnaire :
Eric Woerth, le ministre du budget
Madame B :
inaudible
Le gestionnaire :
Voilà. et si vous voulez je pense que c’est bien, c’est pas cher, et ils apprécient.
on entend les pages tourner
Madame B :
On ne peut pas arrêter (?)
Le gestionnaire :
Voilà. Alors ça c’est fait (plus bas).
Madame B :
inaudible
Le gestionnaire :
là c’est
Madame B :
Nicolas Sarkozy
Le gestionnaire :
C’est fait, c’est dedans
Dans cet enregistrement on ne peut que tomber à la renverse. Le gestionnaire, d’après ce qui est dit ici propose de verser de l’argent à trois personnes, le maximum légal selon lui. Nous sommes le 4 mars 2010. En pleine campagne des régionales. Deux sont candidats : Pécresse et Woerth.
Outre le fait qu’il est peu démocratique du fait des avantages de notoriété et des moyens mis à disposition qu’un ministre soit candidat, de plus bafouant la séparation des pouvoirs tout en se moquant des électeurs puisqu’ils ne siègeront pas étant élus, sinon il n’assistera pas comme madame Lagarde tout en touchant sa rémunération, il est fort peu moral de financer la campagne d’un ministre qui a une autre fonction que celle de candidat. Le gestionnaire le dit clairement : « on a besoin d’amis ».
On finance donc l’amitié politique. Mais le plus extravagant qu’on ne peut pas laisser passer, et que l’affaire Woerth pourrait étouffer, se résume à quelques questions majeures qui pourraient soulever un scandale maximal, sachant que Nicolas Sarkozy n’étant pas candidat n’a donc pas de compte de campagne. Si cet enregistrement dit les faits :
Pourquoi a-t-on versé de l’argent à Nicolas Sarkozy ?
A quoi correspond ce versement ?
Comment légalement a-t-il pu encaisser cette somme ?
Nicolas Sarkozy doit s’expliquer au plus vite sur cet argent si ce que dit cet enregistrement sans aucune ambiguïté est le reflet de la vérité. La presse ne semble pas s’intéresser à ce versement hallucinant et fait comme si dans cet enregistrement seul les deux candidats étaient concernés, candidats qui peuvent légalement toucher des dons, candidats qui cacheraient une forêt. Or Nicolas Sarkozy est cité deux fois directement, et une fois dans l’allusion : « c’est fait, c’est dedans » (il s’agit du versement pour lui).
Si on doit demander des explications à Eric Woerth, il me semble que l’on doit en demander aussi à Nicolas Sarkozy et avec la plus grande fermeté et la plus grande persévérance. La barque se charge de jour en jour.
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/quel-est-donc-ce-cheque-donne-a-77273