@samir
Le mythe de l’âge d’or scientifique de l’islam
Non, l’occident ne doit rien aux Arabes
L’Occident ne serait pas sorti des ténèbres du Moyen Age sans Averroès et ’Ibn Khaldoun : l’intellectuel palestinien Saqr ’Abou Fakhr remet en question cette idée si répandue des deux côtés de la Méditerranée.
Sans la civilisation arabe, dit-on, l’Occident n’aurait jamais pu connaître l’éveil, le développement et le progrès qui ont mené à sa domination actuelle sur le monde entier. La majeure partie des écrivains nationalistes arabes et des romanciers musulmans continuent de perpétuer l’idée d’une ancienne civilisation arabe glorieuse et incontournable, alors que celle-ci s’est éteinte avec la chute de Bagdad, en 1258, à la suite de laquelle les Arabes cessèrent de créer et d’innover, excepté dans certains domaines limités et disparates.
Le fait de continuellement reprendre cette affirmation d’un âge arabe des Lumières l’a incrustée dans l’esprit des Arabes, comme cela arrive pour certaines superstitions et certaines légendes. Le temps est donc venu d’en faire la critique. Disons tout d’abord que les Arabes ont apporté une importante contribution à la civilisation humaine, comme l’ont fait les Chinois, les Indiens et les Perses. Mais les Arabes ont-ils joué un rôle déclencheur dans l’apparition de la civilisation occidentale contemporaine ? La civilisation arabe a pris fin il y a près de huit cents ans, et aujourd’hui ce sont les Arabes eux-mêmes qui risquent de disparaître. Et pourtant, ils continuent de se vanter en déclarant que,
« sans les Arabes, l’Europe aurait certainement stagné dans l’obscurantisme du Moyen Age ».
Il devient nécessaire de dissiper de telles chimères et de les remplacer par l’Histoire réelle. Il semble avéré que la civilisation occidentale ait été portée - du moins sur le plan technique - par trois innovations essentielles, toutes venues de l’extérieur mais qui se sont conjuguées et fécondées mutuellement, à l’intérieur d’un ensemble géographique unique, pour finir par créer une nouvelle dynamique qui a engendré une formidable civilisation, sans précédent dans la longue histoire de l’humanité et qui dure jusqu’à ce jour.
Ces trois innovations sont :
1. L’imprimerie, qui a déclenché la révolution des connaissances et la diffusion des sciences.
2. La boussole, qui a grandement contribué aux nombreuses découvertes géographiques.
3. La poudre, qui a procuré à l’Occident la supériorité des armes et enclenché l’expansion coloniale en Amérique, en Inde et en Afrique. C’est de Chine que ces trois techniques fondamentales sont parvenues à l’Europe, alors incapable d’innovation parce qu’étant sous la prégnance religieuse de l’Eglise (catholique). [ouais]
L’originalité des Européens a consisté à intégrer ces inventions à leur propre civilisation et à en tirer graduellement, par la méthode de l’essai et de l’erreur, de nouveaux principes favorisant la science, le progrès et, par voie de conséquence, la puissance et la domination. C’est donc à la pensée occidentale que revient, en premier lieu, le mérite d’avoir rendu possibles ces développements.
Cette pensée n’a jamais refusé ni interdit ces innovations essentielles, elle ne les a pas considérées, à la manière dont le font aujourd’hui les vieux esprits du monde arabe, comme des objets « importés » dont il faudrait se méfier ou qu’on devrait boycotter. Tout au contraire, la pensée occidentale a opéré une révolution radicale contre l’Eglise et les ecclésiastiques, et a mis à bas tout ce qui faisait obstacle à la renaissance des sciences et des arts.
Les historiens arabes sont presque tous d’accord sur le fait que la civilisation occidentale moderne a énormément tiré profit d’Avicenne [980-1037] et surtout d’Averroès [1126-1198] et d’Ibn Khaldoun [1332-1406], et que l’Europe n’aurait pas pu avancer sur la voie du progrès sans leurs écrits.
En fait, il n’en a rien été. Sinon, on serait en droit de se demander pourquoi les principes énoncés par Averroès auraient été un facteur décisif de la Renaissance en Europe alors qu’ils n’ont eu, à la même époque, aucune influence sur la civilisation arabe. La réponse à cette question est très simple.
En fait, Averroès, Ibn Khaldun et Avicenne se trouvaient en quelque sorte en dehors du courant dominant d’une culture arabe qui les a d’ailleurs refusés et rejetés. Une culture qui, déjà à l’époque, sombrait, tout comme aujourd’hui, sous le poids des fatwas des oulémas, des théologiens et récitants du Coran, du même acabit qu’Al Ghazali, Ibn Taymiya, Al Chafei et Al Achaari. Pouvons-nous penser sérieusement que la civilisation occidentale ait emprunté quoi que ce soit à ces théologiens ? Certainement pas.
De même, pour Ibn Khaldoun, l’Occident n’a donné aucun crédit à ses élucubrations sur les esprits maléfiques, mais s’est seulement intéressé à ses opinions concernant la place et l’usage de la raison. L’Occident s’est servi de l’aristotélisme grec d’Averroès et s’est saisi de son idée - exposée dans son Commentaire d’Aristote - d’harmoniser philosophie et chari’a musulmane, c’est-à-dire raison et révélation.
L’Occident en a déduit que c’est en s’appuyant sur la raison qu’on pouvait s’engager sur la voie de la renaissance et du progrès. A la même époque, les théologiens arabes prononçaient déjà leur terrible anathème : « Adopter le rationalisme, c’est faire profession d’athéisme. » Averroès ayant écrit son Incohérence de l’incohérence, le conservateur Al Ghazali lui avait répliqué par L’Incohérence des philosophes. L’Europe diffère des Arabes en ce qu’elle a réussi, petit à petit, à exclure l’Eglise de toute mainmise sur les idées et à accorder la prééminence à la raison.
Processus inverse en Islam, au cours duquel le salafisme (retour aux valeurs des ancêtres) l’a emporté, très tôt, sur les idées critiques : Al Ghazali fut officiellement préféré à Averroès. Ainsi le contrôle de la pensée arabe par les religieux a-t-il participé à la stagnation, puis à la régression de la pensée et de la vie dans cette société, depuis les Seldjoukides (au XIe siècle) jusqu’à nos jours. La contribution arabe à la civilisation occidentale moderne ne fut pas globale mais limitée à un certain nombre d’écrits rationalistes, qui constituèrent pour cet Occident le point de départ d’une redécouverte de l’ancien patrimoine philosophique et artistique grec.
La civilisation arabe elle-même était, par certains aspects, le produit de ces nombreuses traductions à partir du grec, dans lesquelles excellaient les Syriaques (membres de l’une des Eglises chrétiennes d’Orient). Mais cette civilisation ne dura que deux siècles, plus précisément les IIIe et IVe siècles de l’Hégire (IXe et Xe siècles de notre ère), alors que la civilisation européenne a des racines qui remontent au Ve siècle avant notre ère.
Un apostat d’aujourd’hui
L’hérésie de Nasr Abou Zeid est certifiée en bonne et due forme : il est officiellement déclaré apostat par les tribunaux égyptiens en 1996. Les problèmes de ce chercheur en théologie, né en 1943 en Egypte, commencent dès 1992, quand il affirme que le Coran n’est pas le Verbe incarné et éternel, mais une oeuvre culturelle qui doit être comprise en tenant compte du contexte historique. Dans son livre Critique du discours religieux (Actes Sud, 1999), il explique qu’il ne faut pas s’en tenir au sens littéral du texte, mais le soumettre à une analyse historique, sociologique et linguistique.
Le professorat lui échappe, sous prétexte que son oeuvre porte atteinte à l’islam.
En 1995, la justice prononce d’office son divorce, puisqu’une musulmane ne peut vivre avec un apostat. Afin d’éviter la séparation et d’échapper aux menaces de mort qui pèsent sur lui en Egypte, il s’exile aux Pays-Bas et enseigne à l’université de Leyde.
09/07 14:42 - samir
j’ai bien rigolé en lisant votre sketche vous etes en representation quelque part ? je (...)
09/07 14:05 - popov
Très bon article Catherine. Je ne suis pas un spécialiste du droit, mais il me semble (...)
06/07 11:09 - Menouar ben Yahya
Le dicton le dit très bien : « Il n’est pire aveugle que celui qui refuse de voir ». (...)
06/07 02:54 - phiconvers
Pardon, mais vous ne m’avez pas démontré que l’islam était compatible avec la (...)
05/07 14:09 - Menouar ben Yahya
Admettons que vos références aux gênes n’avaient rien de racial,je veux bien vous coire, (...)
05/07 02:31 - phiconvers
Le catholicisme n’est pas une race. Ma référence aux gênes du catholicisme n’avait (...)
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