Bonjour Péripate,
En fait, la communauté des historiens a une position bien plus équilibrée qu’on ne le croit, en règle générale. Ils considèrent que l’apport arabe était
Jamais il n’y a eu de tentative de négation de ce qui a été conservé dans les bibliothèques d’Europe. Le vrai problème est que, autant certains domaines sont bien couverts, autant il y avait des manques dans d’autres. Autant la littérature latine était bien conservée (les clercs connaissaient très bien un Ovide ou un Perse), autant il en allait tout différemment en sciences, où il manquait beaucoup en astronomie et en mathématiques, et c’était bien en Orient que se trouvaient les ouvrages grecs. Sur Aristote, on connaissait son oeuvre logique, mais pas l’éthique à Nicomaque par exemple. Mais aucun historien n’a nié que l"on avait connaissance par exemple de l’oeuvre de Végèce, auteur militaire, ou d’Augustin. Après, ce qui peut se dire sur des sites orientés politiquement pro-islam et qui ne font pas dans la dentelle et disent que les astronomes musulmans allaient aussi loin quasiment que Galilée ou Newton, ce qui est très exagéré, c’est autre chose.
Il y a bien dans quelques tournures de phrases chez un auteur comme Alain de Libera, un spécialiste reconnu de l’histoire intellectuelle du Moyen Age, des concessions à l’esprit du temps sur la communauté intellectuelle entre Orient et Occident, mais cela n’enlève rien sur le fond à la qualité du travail et à sa crédibilité.
Si Jacques Le Goff, le plus renommé des médiévistes français, a défendu en partie l’ouvrage sur Aristote, ce n’est pas un hasard, car il expliquait dès les années 1960 que le dynamisme occidental était le vrai élément déclenchant de son essor. Mais pouvoir profiter d’Euclide, de Platon et d’Aristote en quasi totalité, de Ptolémée a économisé à l’Occident de devoir redécouvrir leurs avancées, et les arabes ont joué un rôle utile en sciences, d’autant qu’ils avaient aussi avancé de leur côté.
Le vrai problème se situe aussi dans le fossé entre ce qui se fait dans la recherche et ce qu’on trouve sur Internet ou dans les compte-rendus de journaux. Il y a une simplification et une tendance à caricaturer les points de vue, qui donne ce genre de débat empoisonné. On pourra toujours le prendre dans le sens qu’on veut, car les interactions entre éléments extérieurs, les facteurs de dynamisme internes, le patrimoine culturel conservé et celui emprunté à l’extérieur sont impossibles à séparer, l’un commence, entraine l’autre, qui a son tout stimule le premier. Comment séparer des mécanismes à effet d’auto-entrainement, c’est absurde. Une seule solution, la nuance.