Je trouve ce sujet intéressant puisqu’il interpelle notre audace.
Mais je trouve que les auteurs se sont arrêtés au niveau de l’introduction du sujet.
La question à poser, comme sur bien d’autres sujets, c’est « M’enfin, puisque tout le monde sait cela (sans forcément savoir le dire de cette manière) pourquoi y a-t-il des résistances, pourquoi les avions ont-ils été cloués au sol à cause du volcan ?
Et là, les auteurs auraient été obligés d’analyser ce qui se passe dans nos petites têtes.
Le principe d’attrition, nous l’intégrons tous et il fait même partie des moteurs essentiels qui déterminent notre audace fondamentale, celle de la paramécie ou du ver de terre quand il ose explorer. Explorer, même le lichen le fait. Même lui fait preuve d’audace et prend des risques.
Là où ça devient compliqué et où l’audace se perd un peu c’est quand l’individu qui porte en lui cette libido explorator n’est plus seul à la jeter dans la balance. Je veux dire que c’est une chose d’oser quand on n’a de comptes à rendre qu’à soi-même et c’est tout autre chose quand on pense avoir des comptes à rendre à autrui.
Pour faire court tout en me faisant comprendre, le bidule fonctionne de la manière suivante : Un père doit prendre l’avion. Il sait que si son avion passe dans le nuage de cendres, ça peut se passer mal mais il décide de jouer sa chance et il prend le risque d’embarquer. Patatras, voilà que sur les ondes, on ne cesse de répéter que bla bli bla blo, c’est dangereux et que des gens raisonnables (qui ont des stratégies ou des intérêts bien différents) proposent d’ajourner les voyages. Ce père devient coincé. Avant cette diffusion publique, il pouvait prendre le risque et en cas de pépin, personne ne l’aurait traité d’inconscient puisque personne n’aurait pu prouver qu’il connaissait les risques (au point qu’en cas de pépin, ce père aurait même pu jouer le candide et porter plainte en réparation). Après cette diffusion, ce père ne peut plus jouer le candide, il ne peut plus, en cas de pépin, jouer les innocents. Alors il renonce à cette audace et joue la partition qui devient le lieu commun du moment : il vaut mieux être prudent.
C’est de cette manière que joue l’avertissement de danger mortel qu’il y a sur les paquets de cigarettes. Tel qu’il est posé, le fumeur ne peut pas prétendre, ni à ses enfants, ni à son médecin, ni à la sécu, ni à Dieu, qu’il ne savait pas.
Il y a un nombre incalculable de risques que in petto nous acceptons de prendre tous les jours (un trader est carrément payé pour prendre ces risques). Le truc spécial c’est que nous n’en parlons surtout pas. La mise en danger de soi se fait en apnée, en silence. Le motard qui roule à 350 est silencieux, il est en plein requiem.
L’attrition, son acceptation, est donc par essence un non-dit, un tabou. Dès que l’attrition est dite, elle devient impossible à accepter. C’est pour cette raison que dans tous les domaines cités par les auteurs, ce taux, son principe, est tabou (surtout à l’armée mais aussi dans les hypers au sujet de la marchandise ou de la clientèle)
Qu’un magasin intègre -silencieusement- une perte de clientèle (et son remplacement) c’est une chose ordinaire que chaque client suppute.
Mais ce magasin ne peut pas afficher ce principe sur ses murs sous peine de provoquer de très vives réactions de la part des clients.
»Nous intégrons le fait que quelques uns d’entre vous irons ailleurs et nous n’en faisons pas une maladie«
Il ne peut pas afficher ça parce que ça dit tout le contraire des slogans du genre »Parce que vous le valez bien« »Vous êtes unique« » Le client est roi« »Chez nous chaque client est important«
Dans le domaine des rencontres amoureuses par internet, chaque internaute dragueur intégre un taux d’attrition ; mais en parler, l’avouer ferait de lui le pire des goujats.
»Une de perdue, dix de retrouvées" peut être une insulte. Alors ce n’est quasiment jamais dit mais hélas, chacun constate vite que l’autre continue d’explorer, ce qui est extrêmement blessant.
Dans le domaine de l’emploi, un employeur qui ose dire le taux d’attrition qu’il accepte, passe inévitablement pour un salaud (France télécom inside)
Alors bien sûr on pourrait parler d’hypocrisie. Mais à mon sens, il convient de ne pas abuser de ce qualificatif infamant. Si la vie nous semble parfois charmante, c’est grâce au fait que plein de non-dits jouent leur rôle tampon et qu’on n’entend pas à tout bout de champ qu’on n’est pas irremplaçable.
C’est donc une chose de parler de l’attrition de manière universitaire, c’est autre chose de le traiter au quotidien avec humanité.
11/07 09:33 - easy
Je trouve ce sujet intéressant puisqu’il interpelle notre audace. Mais je trouve que les (...)
11/07 08:08 - colza
Au moins en France, tant que le recours collectif n’est pas légalisé, la discussion sur (...)
07/07 23:39 - ThierryCH
Cher Monsieur ou Madame remarque-clair Je suis désolé de vous avoir énervé(e) car telle (...)
07/07 12:02 - paul mohad dhib
07/07 11:40 - Remarque-Claire
Monsieur, Par bonheur, nous sommes en démocratie et vous avez le droit d’apprécier les (...)
07/07 10:01 - JJ il muratore
aux auteurs : la vertu de votre article est d’ouvrir une réflexion entre deux termes (...)
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