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Commentaire de VivreDifferent

sur Le Net n'est pas que du clavardage


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VivreDifferent VivreDifferent 18 juillet 2010 09:52

Je suis d’accord avec l’auteur pour dire que le langage obséquieux, à la forme savante pour cacher le fond creux, est en repli. Mais cela ne suffit pas pour faire la démocratisation du langage. Encore faut-il maîtriser ce langage, en comprendre réellement le sens, pour pouvoir l’utiliser librement. Or, il suffit de lire bon nombre d’écrits sur le net, pour se rendre compte que peu de gens comprennent suffisamment leur langage pour avoir une discussion profonde.
Les mots, et plus encore les phrases, ne sont alors pas tant une organisation du sens, qu’une expression plus ou moins intuitive d’un ressenti. La majorité est ainsi incapable de mener sa propre auto-défense intellectuelle, et est menée en bateau par les communicateurs.

En effet, peu de gens le réalisent, mais il existe une guerre des mots, qui vise à discréditer des idées en court-circuitant le débat. Avez-vous remarqué, par exemple, comment les médias se sont mis à parler de « décroissance » d’une entreprise, d’une économie, pour simplement exprimer une récession ? Pourquoi ce qui était considéré comme un barbarisme est soudain apparu comme normal ? Tout simplement parce que le mot « décroissance », alors inusité, a été utilisé pour exprimer une idée nouvelle : choisir volontairement un mode de vie plus sobre. En l’utilisant comme synonyme de récession, qui est un processus involontaire, on masque l’idée de simplicité volontaire. Le possible imaginé meurt sous la torture des mots.

Cette analyse n’a rien de nouveau : Orwell avait déjà montré comment la maîtrise du langage par les classes dominantes permet de détruire dans l’oeuf les mouvements contestataires. (cf. 1984, la « novlangue »)

L’anarchie a subi le même sort : elle qui se réclamait comme « l’ordre moins le pouvoir », c’est-à-dire une société organisée en dehors des rapports d’autorité non justifiés, est devenue synonyme de chaos. Quel renversement de sens !

Le Net est une opportunité immense de démocratiser la société. Mais l’outil ne fait pas l’artisan. De plus, dès que les connaissances deviennent un peu pointues, ou sont liés à des intérêts financiers ou au pouvoir, elles sont rarement en libre accès sur le net. L’abondance n’est richesse que si la qualité et la diversité sont présentes. Autrement dit, seule l’évolution des esprits vers plus de liberté intellectuelle, d’affranchissement du pouvoir, peut changer la société. Le net a permis certaines avancées, mais le chemin est encore long. Et il n’empêchera pas forcément certaines régressions, je pense notamment à la dégradation du niveau d’éducation (qui dépasse largement le champ d’application de l’Ecole).

La liberté, la démocratie sont des luttes, pas des acquis. La diffusion du savoir, de la culture, participe à ces luttes. Mais si elle se limite à un vaste libre-échange, le progrès induit sera très limité. Il nous faut discriminer l’utile du futil, privilégier ce qui développe notre connaissance* et notre capacité d’agir. C’est la prise de conscience, individuelle et collective, de la nécessité de ces luttes, qui nous fera vraiment progresser.

* [ la connaissance, ce n’est pas une somme de savoir, c’est l’organisation de notre savoir, faire la distinction entre ce que l’on sait et ce que l’on ne sait pas, c’est aussi apprendre à apprendre, et apprendre à ne pas apprendre (ce qui est faux ou douteux)... ]


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