Effectivement, pour rejoindre l’analyse du très estimé Freiherr Franz, l’éthique de base de la finance islamique et sa pratique réelle sont deux choses différentes.
Tout d’abord, il n’y a pas de finance islamique sans une monnaie qui s’articule autour du dinar d’or et du dirhem d’argent. Or, aucun pays islamique ne préconise le retour à un système de « hard currency » ; ce n’est guère plus envisageable (hélas) qu’aux Etats-Unis, où des particuliers font régulièrement assaut de procèscontre le gouvernement fédéral car celui-ci n’a jamais amendé l’article de la Constitution autorisant le Congrès à battre monnaie « en argent et en or ». Des arguments jugés « frivoles » par les autorités.
Pour le reste, de savantes acrobaties destinant à fournir une couverture légaliste, dans le sens islamique, à l’usure ainsi qu’aux investissements dans des domaines hautement repréhensibles aux yeux de la foi sont à peu près la seule chose, dans les faits, qui distingue la finance islamique de la finance générale. Un peu comme des jeunes femmes aperçues en Turquie qui adoptent le stricte foulard tout en portant des tuniques et des pantalons moulants et semi-transparents... Encore le littéralisme - on suit la lettre mais certainement pas l’esprit. Dans le cas des espèces sonnantes et trébuchantes, on se contente même d’éjecter la lettre (sauf dans certaines provinces indonésiennes où l’on bat monnaie, mais de façon plutôt symbolique).
Là pour le coup, une véritable finance islamique serait, à mon sens, bénéfique. Car aucun des manipulations, montages, tripatouillages de la finance moderne serait possible. Comme cette finance de casino, coupée de tout lien avec l’économie physique, où comptent le temps, la pesanteur, la procédure, serait obligée de se réformer si de notre côté on réintroduisait des exigences de « hard currency ».
Et après tout le zakat est bien l’ancêtre de nos impôts à finalité redistributive, car en Occident, nul impôt sur le revenu jusqu’à une date récente, l’Etat vivant essentiellement des recettes dounières et des taxes à la consommation.