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Commentaire de Georges-Henri Clopeau

sur 15 décembre


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Georges-Henri Clopeau (---.---.94.70) 31 décembre 2006 11:08

Toutes vos objections se résument à un seul argument, inlassablement répété sous diverses formes : l’espéranto n’est parlé que par très peu d’êtres humains, donc il ne sert à rien.

C’est vrai que l’espoir des premiers espérantistes, encore bien moins nombreux que nous, de voir les hommes comprendre comme le disait Tolstoï,(en substance, car j’ai oublié le texte exact qui était d’ailleurs déjà une traduction) : « L’effort à faire pour apprendre cette langue est si petit, et les conséquences si importantes pour l’Humanité, qu’on ne peut refuser ce petit effort »...,cet espoir est déçu ; les hommes ne voient pas « les conséquences si importantes pour l’Humanité » ; ils ne voient pas l’intérêt pour eux-mêmes de pouvoir communiquer avec quiconque dans le monde. Certains adoptent même un sourire ironique et condescendant quand on leur parle d’espéranto. Mais la plupart n’ont même pas d’opinion ; nul ne les a informé ni sur l’espéranto, ni sur les problèmes que la diversité des langues pose à l’Humanité. Alors, on se laisse faire...en disant qu’on suit une évolution « naturelle ». Et l’on consacre « librement » un temps considérable à étudier l’anglais, prototype de langue « naturelle ».

L’histoire nous apprend que les domaines d’extension des langues actuelles correspondent tous aux régions où s’exerçait le pouvoir politique d’un prince, d’un roi, ou, plus récemment d’un gouvernement « national ». De sorte que la langue que l’on dit « naturelle » est simplement la langue enseignée dès la petite enfance. Cette langue est tellement indispensable au fonctionnement de la société qui dépend du pouvoir politique, que les parents s’efforcent de la faire apprendre à leurs enfants avant même celle qui leur vient de leurs ainés, et que, en quelques générations, la langue du pouvoir politique devient la langue maternelle, dans tout l’espace où ce pouvoir s’exerce.

Il n’y a pas que des Bretons ou des Occitans qui puissent confirmer cela, et mesurer les efforts énormes qu’il faut faire pour conserver vivant le souvenir d’une culture dont la langue n’est pas celle du pouvoir politique. Une telle situation est observable en de multiples régions d’Europe, où les pouvoirs politiques ont si souvent fait bouger les frontières.

C’est donc toujours le pouvoir politique qui impose la langue. Aujourd’hui, il faut prendre conscience que ce pouvoir politique, basé sur le commerce et la finance, est anglophone. Toutes les langues d’Europe en sont au point où en était par exemple le breton en 1900. Tous les parents veulent que leurs enfants connaissent bien l’anglais. Il est naturel qu’ils demandent que cette langue leur soit enseignée très tôt, très très tôt, et dans quelques générations avant même la leur.

Beaucoup d’Européens, lancés dans les « business », estiment qu’il faut « être réalistes », « ne pas rêver », et se mettre courageusement à l’anglais, car « les jeux sont faits », et seuls réussiront dans la vie, ceux qui maîtriseront parfaitement cette langue.

Heureusement pour nos cultures, tout le monde n’accepte pas si facilement la disparition à terme des autres langues, et l’on s’accroche à l’idée de faire apprendre à tous les enfants d’Europe deux ou trois langues. Remarquons d’abord que, dans une Europe à 25 langues, pour que deux Européens quelconques aient la certitude de disposer d’une langue commune, il faudrait que tous en parlent 13 ; c’est beaucoup plus que 4 ! Donc, pour assurer une communication entre deux Européens quelconques, il est clair qu’une langue commune est absolument indispensable. Donc, le plurilinguisme n’assurera pas l’égalité de tous, et n’empêchera nullement la dérive « naturelle » vers une langue unique, celle du pouvoir. En fait, soyons réalistes, apprendre une langue étrangère prend beaucoup de temps et pour une bonne moitié de la population en apprendre plus d’une, c’est interdire tout accès à une culture scientifique (Déjà, on peut mesurer l’avance statistique que les anglophones, qui n’estiment pas avoir besoin d’étudier de langue étrangère, ont acquise dans la recherche scientifique.). Ainsi la mise en place du plurilinguisme créera une hiérarchie qui ne brillera mondialement dans aucun domaine de pensée.

Mais que proposer alors ?

D’une part, la généralisation de l’enseignement de l’anglais est inévitable puisque le pouvoir actuel est anglophone. D’autre part cette suprématie qui entraîne une perte de vitalité de toutes les langues et une uniformisation stérile de la culture, est absolument inadmissible. Le problème semble insoluble.

Heureusement, la méthode qui s’est révélée la plus efficace, la plus rapide, et la plus économique, pour apprendre les langues étrangères et en particulier l’anglais, c’est d’apprendre préalablement l’espéranto.

Si on acceptait d’utiliser cette méthode, un maximum d’Européens accéderait à la langue du pouvoir, donc le souhait actuel de tous les parents, souhait imposé par les faits, serait réalisé. Mais de plus, tous les enfants analyseraient bien mieux leur langue maternelle, et apprendraient mieux et plus vite les langues de leur choix, si leur intérêt les y portait.

A terme, les Européens connaissant tous l’espéranto, seuls ceux qui s’intéresseraient à la culture anglaise choisiraient d’étudier la langue de Shakespeare (que déjà, certains anglais ne comprennent plus). Un pouvoir proprement européen pourrait se créer, bien que toutes les langues, même minoritaires, pourrait vivre sans être polluées, et rayonner c’est à dire intéresser des Européens parlant d’autres langues.

Il est même sans doute souhaitable que les élèves européens apprennent obligatoirement deux langues en plus de l’espéranto et de leur langue maternelle ; la première serait celle du plus proche voisin (qui dans certains cas, n’est même pas au delà d’une frontière — par exemple, les francophones résidant en Bretagne de l’ouest apprendraient le breton, et en Bretagne de l’Est le gallo) afin de créer à chaque frontière une sorte de couture. La seconde serait choisie tout à fait librement par seul intérêt culturel ou curiosité ; ce pourrait même être une langue régionale ou celle d’un pays très éloigné. Et il ne serait évidemment pas interdit d’apprendre plus de langues (un goût que l’étude préalable de l’espéranto donne souvent) Mais ces études ne seraient pas imposées dans tous les cursus, car, dès que la possibilité de communiquer avec tous est acquise, on peut admettre que certains étudiants préfèrent consacrer plus de temps aux mathématiques, aux sciences, ou à d’autres disciplines.

Grâce aux espérantistes, actuellement moqués par des esprits qui se croient très forts, la solution existe encore, 120ans après avoir été écartée, volontairement par ceux qui soutiennent aujourd’hui le pouvoir anglophone. Et cette solution sera facile à instituer dès que les Européens auront pris conscience qu’ils sont en train de se faire coloniser par ce pouvoir.

Remarque : De vieux Bretons qui ne connaissaient pas un mot de français, souhaitaient ardemment qu’on apprenne le français à leurs enfants, afin qu’ils se défendent mieux dans la vie. De même, il n’est nullement nécessaire de pratiquer soi-même l’espéranto pour souhaiter qu’on l’enseigne aux enfants. Et c’est pourquoi, il n’est pas du tout invraisemblable qu’un gouvernement enfin conscient de ses responsabilités prenne l’initiative de l’exemple, soutenu par une large majorité de la population. Il ne nous manque aujourd’hui qu’une aide médiatique pour diffuser l’information....or des journalistes responsables, ça existe...

Georges- Henri Clopeau


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