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Commentaire de sisyphe

sur Réchauffement : Débat à huis clos à l'Académie des sciences


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sisyphe sisyphe 21 septembre 2010 13:27
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Réchauffement climatique : « des faits scientifiques qui dérangent et des mensonges qui arrangent »

Précipitations intenses en Asie, canicule en Russie, vagues de froid ou de chaleur... La paléoclimatologue Valérie Masson-Delmotte répond aux questions de Maxisciences et évoque les événements climatiques de ces dernières semaines.

Pensez-vous que la canicule ayant touché la Russie, ou que les épisodes de fortes précipitations survenus ces dernières semaines en Inde ou au Pakistan soient dus au réchauffement de notre planète ?
Valérie Masson-Delmotte : "On ne peut jamais faire le lien entre un événement isolé et une évolution sur le long terme : seule compte la fréquence de ces événements. La question que l’on doit se poser, c’est ’que peut-on attendre d’une augmentation de la concentration en gaz à effet de serre dans notre atmosphère ?’. La réponse, c’est un réchauffement. C’est de la physique de base et c’est ce que tous les travaux de modélisation montrent. On réduit souvent le climat à la seule température, mais l’effet de serre qui entraîne un réchauffement des basses couches de l’atmosphère modifie également la quantité de vapeur d’eau qui y est stockée. Tous les modèles de climat montrent que le réchauffement climatique s’accompagnera d’épisodes ponctuels de très fortes précipitations. Des vagues de chaleur plus fréquentes, des grands froids plus rares en sont d’autres conséquences. Ce n’est donc pas une surprise d’observer des canicules qui sortent complètement des écarts types généralement observés, ou des inondations provoquées par des pluies de mousson très intenses« .

Ces événements hors-normes sont donc des conséquences directes du réchauffement terrestre ?
VMD : »Je ne peux pas l’affirmer. Ce n’est en revanche pas une surprise d’observer ce type d’événements ponctuels. En Russie, la canicule observée sortait de trois écarts-types de la gamme moyenne observée. On peut comparer ce phénomène à la canicule de 2003 qui avait frappé l’Europe de l’ouest. Toujours en Europe, l’hiver dernier a été également surprenant. La situation météorologique a été exceptionnelle, avec des vents apportant de l’air froid depuis le nord de l’Europe. On aurait pu s’attendre à des températures qui battent tous les records de froid, alors qu’on a observé une anomalie froide, mais pas exceptionnelle : cet exemple montre la juxtaposition entre la circulation atmosphérique ponctuelle, régionale et la tendance au réchauffement« .

Que pensez-vous du traitement politique réservé au problème du réchauffement climatique ?
VMD : »On observe une vraie prise de conscience à grande échelle, mais aussi de réelles difficultés économiques et politiques en termes de partage des coûts liés aux politiques climatiques, tant pour la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre que pour l’adaptation. D’un côté, il y a des pays qui veulent se développer et de l’autre, des nations qui ne veulent pas payer pour leurs activités passées, même s’il y a une vraie responsabilité historique des pays occidentaux. Personnellement, je reste convaincue que sans engagements précis, on se dirige vers un changement climatique fort« .

Comment dans ce cas répondre à cette problématique complexe ?
VMD : »Il faut une mobilisation forte du pouvoir politique. Le problème, c’est le décalage qui existe entre les intérêts politiques et industriels qui induisent une projection sur 5 ans tout au plus, et les conséquences à long terme, dans une trentaine d’années par exemple. Si l’on devait poser une question un peu « philosophique », ce serait : ’Qu’est-ce que le progrès dans un monde qui n’est pas infini en matière de ressources et de déchets ?’. Répondre à cette question, c’est répondre au problème du réchauffement« .

Avez-vous personnellement réussi à y répondre ?
VMD : »Je suis moi-même élue locale, donc je connais les difficultés à concilier le dynamisme économique, la justice sociale et les enjeux environnementaux. Il n’y a pas de réponse toute faite, mais vraiment une solution à imaginer. Sans alarmisme et sans naïveté, il faut d’abord construire une culture de ces problèmes environnementaux et mettre les connaissances scientifiques à disposition de tous« .

Y a t il d’après vous une volonté délibérée de semer le doute dans l’opinion publique ?
VMD : »Dans son livre Merchants of doubt, Naomi Oreskes démontre précisément comment des groupes d’intérêts américains et certains scientifiques se sont arrangés pour semer le doute dans l’opinion publique, sur des sujets aussi variés que le tabac, les pluies acides ou le réchauffement climatique. Il y a chez de nombreux climato-sceptiques une volonté orchestrée de semer un doute qui n’a rien de scientifique. Je suis tentée de dire qu’aujourd’hui, il y a des faits scientifiques qui dérangent, et des mensonges qui arrangent". 



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