La ministre Valérie Pécresse a réclamé à la communauté scientifique un « débat transparent » sur le réchauffement. Il s’est tenu hier, sans public.
« Tendue ». Cette réunion résulte de l’appel des scientifiques du climat, lancé le 1er avril, qui avait valu à Claude Allègre de se voir croqué en une de Libération avec un bonnet d’âne. A l’époque, Valérie Pécresse avait demandé à l’Académie d’organiser « un débat » sur deux points précis : les méthodes et les résultats des sciences du climat. Il s’est donc tenu hier quai Conti, à Paris. Libération, comme les autres journaux, n’a pu y assister, mais… s’est procuré les textes écrits préparés par l’ensemble des intervenants et a bénéficié de fuites téléphoniques.
Tenu dans la magnifique « salle des séances », le débat a réuni environ cent personnes, les académiciens et 25 invités.
L’ambiance ? « Tendue »,admet un participant, même si les échanges sont restés « policés ». Il en ressort un hiatus entre spécialistes et non-spécialistes, en particulier sur les rôles respectifs du Soleil, considéré comme majeur par les amis de Claude Allègre, et des gaz à effet de serre dans les variations climatiques. Les spécialistes ont donc exposé des résultats validés par la communauté scientifique internationale. L’académicienne Marie-Lise Chanin a rappelé qu’« on ne peut pas attribuer au changement d’irradiance solaire l’augmentation des températures observée depuis trois décennies ».
Un groupe de géologues procède en revanche par affirmations rudimentaires, « en dessous de la ligne de flottaison scientifique », ironise un participant. Ainsi la plume de Jean Aubouin prétend qu’« au cours du Quaternaire, la [variation de la] courbe des températures précédant celle de la quantité de CO2, ce dernier n’est donc pas la cause de la variation climatique ». Comme si les paléoclimatologues défendaient cette thèse.
Or, le gaz carbonique, répond Jean Jouzel, « n’est pas la cause première des grands cycles climatiques, dont l’origine est liée aux variations d’insolation résultant des modifications de l’orbite terrestre ». Ajoutant : « Mais le gaz carbonique a constitué un amplificateur des variations climatique entre périodes glaciaires et interglaciaires. »
Clou. Les amis de Claude Allègre se réjouissaient d’avoir un spécialiste de leur côté, l’Américain Richard Lindzen, qui a vigoureusement attaqué les modèles numériques du climat accusés d’être « tous faux ». Raté : il s’est fait contrer non moins rudement par Sandrine Bony (Laboratoire de météorologie dynamique), qui a montré que ses affirmations avaient déjà été réfutées par des études publiées. Curieusement, l’organisation a complètement occulté le sujet pourtant clé des simulations numériques du climat futur.
Le clou du spectacle devait être l’affrontement entre Edouard Bard, professeur au Collège de France, climatologue de classe mondiale, et Vincent Courtillot, directeur de l’Institut de physique du Globe de Paris. Le résultat de la joute est sans ambiguïté. Courtillot n’a pu que répéter ses affirmations selon lesquelles les variations de l’activité solaire sont autant responsables, voire plus, des évolutions climatiques récentes que l’intensification de l’effet de serre. Bard, dans une « intervention carrée » note un participant, n’a pas eu de mal à souligner que cette affirmation repose sur des analyses statistiques erronées, voire des informations fantaisistes, comme un oubli des changements et déplacements de thermomètres dans les données météorologiques de Courtillot.
Cette réunion aura-t-elle été utile ? C’est le souhait de Jean Jouzel, pour qui les académiciens ont pu juger de la valeur des arguments échangés« et ne peuvent honnêtement les renvoyer dos à dos ». Il faudra attendre la publication du rapport pour savoir si la direction de l’Académie résiste à la pression du groupe mené par Claude Allègre, dénoncée par son ex-président, Edouard Brézin.