La réunion à huis clos organisée lundi à l’Académie des sciences autour desquestions climatiques n’a apparemment rien bouleversé. À la fin du mois d’octobre, l’Académie publiera un rapport complet des débats, « rédigé à partir des contributions écrites et orales ». En attendant, elle s’est contentée d’un très bref communiqué.
En avril dernier, l’exaspération de la communauté des scientifiques du climat avait atteint des sommets. Cible permanente de quelques climato-sceptiques, dont Claude Allègre, l’ancien ministre de l’Éducation, près de 600 scientifiques avaient signé une pétition demandant à leurs tutelles, dont Valérie Pécresse, la ministre de la Recherche, de prendre position. Tout en réaffirmant sa confiance à plusieurs d’entre eux, la ministre avait alors demandé à l’Académie d’organiser un débat. « Pour tenter de redonner toute sa place à la science » avait alors répondu Jean Salençon, le président de l’Académie.
Quatre grands thèmes
On est en fait assez loin d’une vision unanime et consensuelle de la journée, tant sur la forme que sur le fond. Les débats avaient été pensés et chronométrés autour de quatre grands thèmes : méthodes d’analyse pour déterminer l’évolution du climat, détermination des climats passés, modèles climatiques et mécanismes physico-chimiques. « Avec, à chaque fois, un résumé de la thématique suivi de trois interventions de sept minutes effectuées par des gens actifs dans leur laboratoire », explique René Blanchet, l’un des deux académiciens coorganisateurs de la journée avec Jean-Loup Puget. Une discussion d’environ une heure suivait, avec un parterre d’une centaine d’académiciens présents.
L’organisation minutée n’a pas empêché certains de considérer « les débats biaisés ». Les conclusions « donnaient parfois l’impression d’avoir été écrites d’avance », expl ique Pascal Yiou, chercheur au LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement). « Entre rien et ce débat, c’est mieux d’avoir débattu, mais on ne peut pas rentrer dans ce domaine avec des exposés de sept minutes et en une journée », insiste le glaciologue Jean Jouzel, également chercheur au LSCE.
Quant au fond, il est très difficile de savoir si des lignes ont bougé. Les participants ont été plusieurs à relever des interventions de très grande qualité, mais également des exposés d’une grande faiblesse scientifique. « C’est vrai qu’entendre des exposés introductifs par des non-spécialistes, est une expérience inédite », souligne Hervé Le Treut, membre de l’Académie et directeur de l’Institut Pierre Simon Laplace. Mais pour ce chercheur spécialiste des modèles climatiques, « la plus grande victoire du climatoscepticisme c’est d’avoir imposé des “pour” et des “contre”, alors qu’il s’agit d’une démarche avec des certitudes et des incertitudes et nous devons garder la possibilité de communiquer sur les incertitudes. »
Des incertitudes que Vincent Courtillot, académicien également et climatosceptique revendiqué, estime considérables notamment sur le rôle de l’homme dans la question du réchauffement climatique. « Il faut encore de dix à vingt ans d’observations pour pouvoir trancher », assure-t-il. Une thèse soutenue par Claude Allègre, qui assure : « Tout ce qui a été raconté est très exagéré. »
Ces théories font redouter à certains scientifiques du climat d’être renvoyés dos à dos avec les sceptiques, alors même que les arguments de ces derniers « ont été réfutés », soulignent plusieurs climatologues. « Ma crainte, c’est que l’Académie conclut à la nécessité de recherches plus importantes comme si il n’y avait pas d’avancées », s’inquiète Édouard Brézin, l’ancien président de l’Académie des sciences. « Même si, bien sûr, il y a encore beaucoup de recherches à faire », ajoute-t-il.
Hervé Le Treut voit des raisons d’être plus optimiste : « J’espère qu’une réunion comme celle-là va permettre de dépasser les blocages. Et de montrer que la communauté des scientifiques a atteint une réelle maturité. » Le chercheur tire volontiers un coup de chapeau aux deux organisateurs du débat. « Je ne crois pas que l’on verra émerger dans le rapport du mois d’octobre des conclusions très surprenantes », concède Jean-Loup Puget, l’un des organisateurs, après un débat où aucun point soulevé n’a montré une remise en cause du travail des climatologues.
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