Bonjour JL,

Faire pleurer sur mon sort, c’est pas vraiment mon truc. Ce message résultait plutôt d’un agacement à force d’entendre le « plusieurs millions de gens en France vivent sous le seuil de pauvreté ». Mais on ne dit jamais combien n’ont que la misère pour sécher leurs larmes.

On dirait que le sujet est tabou pour les médias. De plus, si vous avez un revenu de 951 euros, vous n’êtes plus pauvre. Cela me rappelle le sketch de Roland Magdane au sujet de la date de péremption des boîtes de conserve : « mais que peut-il donc se passer dans la boîte entre le vingt-trois et le vingt-quatre février pour que tout à coup elle soit impropre à la consommation ? ».

La misère c’est comme le luxe, c’est très sérieux. Il y a quelques années je travaillais dans une pharmacie à St Denis. Une pauvre femme avec ses trois enfants en très bas âge venait acheter des remèdes. Elle vivait dans une sordide chambre d’hôtel près de la gare. Trois mômes entre quatre et huit ans. dans neuf mètres carrés. Résultat, du Rimifon sur ordonnance. Le Rimifon est un remède censé soigner la tuberculose. Même le lobby pharmaceutique s’engraissait sur sa misère, sans compter l’hôtelier qui pour sa prestation lui ponctionnait le prix d’un loyer exorbitant. Oh oui, j’oubliais ces pauvres gosses étaient atteint également de saturnisme à force de vivre dans ce milieu insalubre.

La véritable misère on ne la voit pas. Ces gens ont une fierté, il ne leur reste que la dignité. Mais le pire c’est qu’on n’en parle pas. Et que penser du gouvernement qui a supprimé la prime de Noël de 150 euros aux plus démunis ? Leur pouvoir d’achat du mois de décembre aura diminué de trente pour cent. À peine quelques mots à ce sujet dans les médias. Joyeux Noël les misérables !

Non, ce n’était pas du tout pour faire pleurer sur le sort des pauvres parmi les pauvres. Mais je trouve malsaine cette propension à nous faire occulter les réalités d’une certaine vie dans notre pays en voulant nous faire croire que « seulement » trois millions et demi de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Pour ce qu’il en est de mon sort, j’estime n’être pas à plaindre. Un toit, un frigo branché, internet, et même parfois des visites gratuites dans les nombreux musées de Paris. Que demande le peuple ? C’est l’opulence.

Ne pleurez pas trop JL, je suis sur que vous allez vous en remettre.