La compréhension, en grec synesis, était chez Platon (Cratyle) et chez Aristote (Éthique à Nicomaque, VI) à peu près synonyme d’intelligence, et distinguée du savoir. Aristote distinguait une ligne de partage, la qualité du sens du toucher, entre ceux qui sont bien doués intellectuellement et ceux qui ne le sont pas (De l’Âme [Péri Psuches], II, 9, 421a) ; vingt siècles avant l’Aufklärung, il comparait l’intelligence à la lumière : « elle produit toutes choses, comme une sorte d’état comparable à la lumière » (Ibid., III, 5, 430a ; traduction R. Bodéüs) ; enfin, il décrivait la qualité de rapidité d’esprit (voisine de l’intelligence) à la fin du livre I des Seconds Analytiques (89b 10). Dans le même sens, l’auteur comique latin Térence (vers -192/-159) faisait dire au parasite Gnathon :
« D’un homme sur un autre, quelle supériorité ! quelle distance d’un sot à un intelligent ! » (L’Eunuque, II, ii, 232-233).
Dans ses Confessions (IV, xvi), Augustin distinguait la vivacité de l’intelligence, celeritas intelligendi, qui serait un don divin, et l’esprit lent, tardius ingenium, (petit malheur s’il est joint à une sainte foi ..., ajoutait, en forme de consolation, l’évêque d’Hippone). Montaigne opposait aux esprits « vigoureux et réglés » d’autres, « bas et maladifs » (Essais, III, viii, page 923). Hobbes, dans Leviathan (1651), opposait l’intelligence, wit, et la stupidité, dullness. John Locke reconnaissait une différence de degrés entre les facultés intellectuelles des hommes, à un point tel qu’il y aurait « plus de distance entre certains hommes et d’autres, qu’entre certains hommes et certains animaux » (An Essay concerning Human Understanding, IV, xx, 5)