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Commentaire de Marcel Chapoutier

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Marcel Chapoutier Marcel Chapoutier 23 octobre 2010 22:00

Voila encore un témoignage sur la souricière montée place Bellecour à Lyon, méthode qui n’a pas été utilisée depuis Vichy à part pendant la guerre d’Algérie, alors je demande sommes nous en guerre ?

http://rebellyon.info/Temoignages-sur-la-prison.html

"Je suis écœuré. Difficile de trou­ver les mots. Pas l’habi­tude d’écrire. Mais je res­sens le besoin de témoi­gner tout sim­ple­ment. Je ne par­le­rai que de cette jour­née du Jeudi ici à Lyon Bellecour. 


Ce matin vers 10h45, avant d’aller cher­cher mon enfant à l’école, quel­ques grou­pes d’étudiants regrou­pés, atten­dant pour mani­fes­ter. Aucune agi­ta­tion. Les forces de l’ordre encer­claient, contrô­laient déjà tous les accès. À noter en plus l’ héli­co­ptère(pas encore là à ce moment), les 2 tanks à eau...

Je suis revenu vers 13h45, j’ai pu ren­trer sur la place et me poser vers la rue Emile Zola sur un banc comme la plu­part des lycéens. Quelques pas­sants... Et même une « baqueuse » avec bras­sard rouge, casque, bou­clier qui tra­ver­sait en solo d’un bout à l’autre à grands pas... À côté de moi, un groupe d’ado­les­cents. J’entends l’un d’eux dire : « J’ai envie de pisser ! J’en peux plus... ! » Un autre lui répon­dre ; « T’as essayé là-bas quai de Saône ? » Je regarde plus atten­ti­ve­ment et je vois en effet que chaque ado était refoulé par les crs. Soleil, un gros pétard qu’explose tran­quille­ment...calme plat.

Puis vers 14h00, retenti un méga­phone et cla­meur... Comme beau­coup d’autres, je me lève et pars en direc­tion de la place Antonin Poncet. Arrivé à l’angle, attrou­pe­ment de jeunes, qui comme moi vien­nent voir ce qui se passe. Je vois des dra­peaux : « Libérez nos cama­ra­des ! Libérez nos cama­ra­des ! » Je passe le contrôle...je sens un regard casqué se retour­ner vers moi et... rien.. Jean, blou­son, che­veux gri­son­nant, je passe.. 
La ten­sion monte.. Crs et Bac+ camion­net­tes cons­ti­tuent une cein­ture empê­chant l’inter­syn­di­cal et d’autres venus, côté place Antonin Poncet sou­te­nir et mani­fes­ter avec les lycéens, côté Bellecour... Les points se lèvent, des cris cou­vrent le bour­don­ne­ment de l’héli­co­ptère qui tourne au-dessus de nos têtes inlas­sa­ble­ment... Autour de moi, la ten­sion monte, en moi aussi... Situation blo­quée.

Cette situa­tion est restée blo­quée ainsi pen­dant plus d’un quart d’heure sans aucune hos­ti­lité. Du coup, j’ai pris le temps de regar­der de plus prêt les crs, leur équipement, mais aussi leur regard. J’ai vu des cyborgs.. Aucune dis­cus­sion pos­si­ble. Le rap­port de force (pro­tec­tion, équipements armés) est tel­le­ment dis­pro­por­tionné que je me suis senti agressé, menacé.. Puis, la ten­sion monte encore, encore et ce blo­cage de cette situa­tion absurde, amène quel­ques jets de pierre. Moi phy­si­que­ment, je ne savais pas quoi faire et j’ima­gi­nais qu’une percée pou­vait chan­ger le cours des choses et je la res­sen­tais phy­si­que­ment. Nous étions nom­breux, bien plus nom­breux qu’eux. Et par sur­prise, nous aurions réussi. Mais je me voyais mal crier ; " Allez, on fonce dedans... ! 
Non. Je reste debout. Des pier­res volent, j’attends et la pre­mière salve de lacrymo tombe. Des repré­sen­tants syn­di­caux avec des dra­peaux sem­blent par­le­men­ter. ça siffle, ça hue.. Mégaphone : faut rejoin­dre le cor­tège inter­syn­di­cal der­rière sur quai gaille­ton... Vers où ? Laisser les lycéens enfer­mer ? Partir sans eux ? Et aller où ? (Place Guichard). Un p’tit tour et puis s’en vont. Non. Pas envie. La situa­tion était là. Les dra­peaux flot­tent, côté Bellecour, fumée blan­che, les lycéens dis­pa­rais­sent.. Ah oui, j’ai pas bien com­pris mais y’a le dra­peau peace qu’arrive comme un tro­phée sous les accla­ma­tions.. Il se place en tête et là, j’ai même cru naï­ve­ment qu’on allait enfin ren­trer sur la place dra­peau peace en figure de proue. 
Bon j’abrège.

Tension, ten­sion, pétards, roue de vélo, héli­co­ptère, bal­lets des cyborgs, 2ème salve bien four­nie de lacrymo et là on recule tous jusqu’au quai et pous­ser jusqu’au début de la rue de la Barre. Pas mal de dra­peaux par­tent en direc­tion de Guichard, regrou­pe­ment, à nou­veau face à face police. Il devait être vers 16h. De loin, Bellecour sem­blait déser­ti­que. Je ne sais pas ce qui s’est passé exac­te­ment. J’ai entendu dire qu’il y avait eu gazage, matra­quage, tan­kage à eau... Sur qui ?, Pourquoi ? Il y a un fil­trage. Comment s’est-il opéré ?

Vers 17h00, je bouge de check­point, celui de la ré, je vois qques lycéens errer dans le vide, ensuite rue Émile Zola, là je vois un crs plai­san­ter, s’amuser à meno­ter une demoi­selle nanti en fai­sant mine de la trai­ner sur la place et faire recu­lons parce qu’il y avait un gradé. Je fais l’tour jusqu’au pont Bonaparte et là je vois plus d’une cin­quan­taine de lycéens les uns der­rière les autres. Ils sont fouillés, contrô­lés. Je demande à l’un d’entre eux qui vient de sortir si ils sont pho­to­gra­phiés. Il me dit que lui non, mais d’autres oui : « J’ai posé des ques­tions dit-il : » Qui pho­to­gra­phiez-vous, sur quels cri­tè­res ? On lui répond : « Eux par exem­ple, en sur­vê­te­ment... ! »

Il com­mence à faire nuit. 
Rue Antoine St Exupéry, un car avec des dizai­nes de lycéens prêt à partir... Un dra­peau rouge avec le visage de Che gue­vara : « Révolution- Solution ». 
Je quitte Bellecour. 
Si mon enfant s’était retrouvé enfermé sur cette place... J’aurais été capa­ble d’une agres­si­vité dif­fi­ci­le­ment contrô­la­ble. Mêmes les pier­res n’auraient pas suffi, encore moins les voi­tu­res retour­nées.. Ce qui est cassé par cer­tains est la marque d’une grande force, d’un grand cou­rage. . Consciemment ou incons­ciem­ment, ces gestes arra­chent des mar­chan­di­ses alié­nan­tes dans un décor de rues murées de vitri­nes, va et vient inces­sant de voi­tu­res stres­sées, bruit, air irres­pi­ra­ble. Marchandises parmi les mar­chan­di­ses, où étes-vous parents ? Où êtes-vous vivants ?

[Mot à la modé­ra­tion ; J’ai sorti tout ce qu’y s’est extirpé de ma tête. Jetez ou publiez. Si trop long, faites ce que bon vous sem­blera, mais ne coupez pas pré­ci­pi­tam­ment ."


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