J’espérais ce sujet. (mais je voulais qu’il fût présenté par un autre)
L’habitat est un des points importants de la vie matérielle et il impacte fortement le moral. Il fait le stress ou la tranquillité selon qu’on s’y sent en sécurité ou non. Et de ce stress ou non stress, il découle notre niveau d’investissement. Angoissé, on vit de petites gorgées d’air, rassuré on embrasse les montagnes.
Que l’on vive dans du dur, de la grotte ou du tipi, la valeur de l’habitat tient à l’assurance ou pas de pouvoir y rester.
L’espoir de chacun, je prends le risque de prétendre qu’il est universel, est d’avoir un logement sûr, même quand on a la bougeotte, même quand on est nomade. Dans toutes les formules d’habitat, on veut s’endormir en étant sûr de ne pas être attaqué en plein sommeil ou en pleine digestion.
Il va de soi que si l’on vit absolument seul et qu’on sait dormir à même le sol, on va résoudre ce besoin assez facilement. On s’endort dans un pré ou un fossé et à l’aube on part. No problemo.
Mais dès qu’on a besoin d’avoir un matelas, une couverture, du linge propre, de quoi se laver, ça devient plus compliqué. Et quand on a des enfants c’est la totale complexité.
Il se trouve que depuis l’aube des temps, il y a toujours eu des risques à s’endormir. On a toujours risqué d’être attaqué pendant son sommeil, d’être tué ou au moins d’être délogé de force. Je pense que rarissimes ont été les cas où des villageois ont pu s’endormir à 50 sans qu’un seul ne craigne subir une attaque de la part d’un voisin pendant son sommeil. On comprend vite que des villageois ont intérêt à être amicaux entre eux s’ils vivent dans des habitats aux parois minces.
Dans tout le règne du vivant il y a compétition pour l’emplacement. On serait même plus souvent menacé d’être délogé que menacé d’être tué. Une belette n’est chassée à mort que par les rapaces mais elle risque constamment d’être délogée par des dizaines de sortes de bestioles qui ne veulent que sa place.
EN DROIT.
Je crois que jusqu’à la fin du Monde, chaque être vivant, humain compris, continuera de craindre de perdre son endroit, de minute en minute, de seconde en seconde, seule la mort le débarrassant de ce souci. Et encore...
« Il y a de la place pour tout le monde »
Voilà une belle assertion, urbaine, accueillante et rassurante. Elle prouve cependant le problème. Car personne ne dit « Il y a de l’air pour tout le monde »
Même une limace l’aurait compris, l’air se partage et sauf à l’étrangler ou l’enfumer, on ne peut empêcher quiconque de respirer.
Pour l’eau, qui semble pourtant tomber du ciel un peu partout, quasiment aussi omniprésente que l’air, c’est déjà nettement plus compliqué et disputé. « Touche pas à mon eau » a prévalu bien avant « Touche pas au grisbi »
Pour l’endroit, c’est infernal. Tellement que même pour l’Au-delà (qui désigne un endroit) il est question de droit ou visa pour accéder soit à un en-droit frais et sûr, soit à un en-droit brûlant et effrayant.
Des millions de km² de terres émergées sont sans présence humaine mais ils sont difficilement vivables. Etonnons-nous toujours que des hommes vivent dans des endroits limites.
L’homme préfère généralement les endroits plans, de climat doux, disposant d’eau et de bestioles à chasser ou élever. Ces endroits agréables étant plutôt rares, il y a compétition et chacun doit jouer des coudes autant que de l’entraide clanique (avec toutes les conséquences sociales et conjugales que par exemple C.L. Strauss aura étudiée)
Dans ces endroits agréables, on en arrive vite aux Trois petits cochons. Paille, bois ou brique.
Plus on est paille, plus on est facilement délogé ; plus on est brique plus on est tranquille (sans l’être jamais complètement, puisqu’une ruine, une invalidité, une saisie, un chômage, une condamnation, une guerre peut nous mettre à la rue).
Cette peur antédiluvienne d’être chassé, remontant pour certains à l’époque où Adam et Eve auraient été chassés de leur endroit pour en avoir perdu le droit, peut conduire à la paranoïa. Il était prévisible que cette peur folle pousse certains à posséder le plus de briques possible, des pyramides gigantesques faites d’énormes briques.
En corollaire de ce besoin paranoïaque de se bunkériser, on en serait venu à avoir des véhicules blindés pesant 5 tonnes. « Où que je sois, on ne me délogera pas facilement »
Par chance, et c’est tout le charme de l’humain, malgré la densification croissante, il reste encore et toujours des gens à paille et à vélo.
Le fait que des gens se promènent en vélo sur une route où circulent des Hummer sans se faire systématiquement déloger, bémolise la mécanique paranoïaque. Sans la présence des vélos, plus personne n’aurait la preuve qu’il est encore possible de se déplacer sans être protégé par 3 tonnes d’acier et chacun achèterait un char hérissé de piques et de lames.
C’est miracle que l’ensemble humain comprenne des gens suffisamment confiants pour oser circuler en vélo entre des blindés. Ce miracle qui s’offre en spectacle tous les jours, atténue automatiquement nos trouilles qu’attisent les infos aposématiques et font le climat global actuel où il est encore possible de faire confiance à autrui, où l’on ose encore être nu et sortir sans cuirasse.
Sur un certain nombre de points mais pas tous, la maison de paille est à la maison de béton ce que le vélo est au 4x4.
Oui, il est nettement plus incertain de vivre dans une yourte que dans un appartement. Oui on peut être viré du jour au lendemain. Mais que des gens aient le courage ou l’inconscience ou la confiance ou la générosité nécessaire pour le faire, ne peut que rassurer très profondément les autres.
N’est-il pas rassurant de constater par exemple qu’il est possible de dormir sous un pont dans un carton sans être automatiquement écrasé ?
Nul besoin de démonstration des Bogdanov pour établir que la formule paille serait la seule qui permettrait à la fois une durabilité des ressources et une durabilité de la confiance entre les humains.
Mais d’un autre côté, il y a encore des guerres et nous voulons de l’eau propre, de l’électricité, des blocs opératoires placés en salles blanches. Et pour ça, il faut du béton et des tas de briques.
Utopiquement parlant, il faudrait des structures collectives en dur pour épurer les eaux et fabriquer les pelleteuses qui creuseront les VRD et des structures individuelles en paille pour alléger l’empreinte écologique.
Mais la structure en paille interdit la superposition en clapiers, nécessite donc un plus grand étalement des cités et il faudrait donc des réseaux VRD encore plus grands.
Résultat, nous en sommes donc à une formule intermédiaire, ni paille ni blockhaus, plus dense, plus brique, qui mite moins le paysage.
Car le paysage aussi s’est spécialisé depuis un siècle. Maintenant il y a un endroit pour travailler, un endroit pour faire ses courses, un endroit pour dormir, un endroit pour cultiver, un endroit pour bronzer, un endroit pour les hommes, un endroit pour les ours et un autre pour les murènes.
Permettre l’habitat de paille sans permis et sur des terrains non prévus pour la construction, aboutirait à ce que 10% de la population choisisse cette option et l’on aurait alors des paysages virant à la favela. Sans réglementation, on se retrouverait vite avec de la yourte contre yourte, des cabanes en bois en plus, des caravanes en plus, des bricolages superposés en plus, des égouts à ciel ouvert, des élevages sauvages, des plantations sauvages, des pollutions en tous genre, des cloaques.
Pas besoin de dessin pour montrer que les voisins installés là avant et dans de la brique, ne peuvent pas accepter la dévalorisation de leur secteur par un bidonville.
Mais, à mes yeux, afin de réduire le niveau de paranoïa ambiant, il est indispensable de permettre à ceux qui l’osent, de vivre dans de la paille. Leur présence nous est moralement indispensable. Ils nous offrent une respiration morale.
Reste alors à réglementer les conditions d’installation de paille.
Pas n’importe où. Densité limitée. Homogénéité des matériaux. Résistance au feu. VRD. Transports en commun. Impôts...
Du coup, et au-delà de ces immédiatetés, arrive la question de la durée et de la transmission du droit à l’endroit.
Est-il toujours valable de considérer qu’on peut s’approprier un endroit à vie et le transmettre à sa descendance ou devons-nous passer à l’amodiation pour toute construction, pour toute utilisation et jouissance d’endroit ?
Pour ma part, j’irais à en finir avec l’héritage des patrimoines matériels et à préférer la généralisation de la location ou de l’amodiation des emplacements, tout en permettant aux plus pauvres de pouvoir toujours louer à l’Etat un endroit minimum (à un prix très bas donc)
Il faut tout faire pour abaisser la paranoïa ambiante et favoriser le dépouillement ; la nudité matérielle. Il ne faudrait jamais pourchasser le piéton, le cycliste, le nu, le désarmé, le fauché, le démuni et le pailliste. Il faudrait au contraire respecter ces fragilistes comme il faudrait respecter la fragilité de la Planète.
12/02 14:08 - nainbe
12/02 14:05 - nainbe
vivre dans une yourte ce n’ est pas une mode bobo ou autre.et ce n’est pas des (...)
12/02 13:46 - nainbe
d’abord arreter de cracher sur les gens qui ne sont pas natifs de votre lieu. dans la (...)
08/11 07:51 - XAV31
@ Barbesse Sylvie, merci pour ton blog, il est très sympa et les témoignages/images sont assez (...)
03/11 09:26 - Barbesse
Un petit rectificatif à cet article, sur le statut juridique de la yourte. En effet, pour (...)
02/11 10:57 - Bulle
@Jeff88 Et bien c’est pas ce que ma grand mère me disait de ses années de travail dans (...)
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